Le témoignage du Pain de Vie

Vitrail représentant L’institution de l’Eucharistie, la Cène, dans l’église Saint-Sulpice à Breteuil-sur-Iton

Dans l’Évangile, le discours de Jésus sur le Pain de Vie, que l’on trouve par exemple au chapitre 6 de saint Jean, a été la cause d’une forte incompréhension de la part de beaucoup de disciples, et du départ d’un grand nombre.

« Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et le pain que moi, je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » (Jn 6, 51)

« En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » (Jn 6, 53-56).

On aura beau dire que, dans la crise actuelle, nous pouvons nous passer de l’Eucharistie et de la Communion, que l’on peut vivre de la charité chrétienne et d’autres formes de prières, plus spirituelles, il n’en reste pas moins que ce n’est pas l’Évangile. « Faites cela en mémoire de moi. » (Luc 22, 19). Dieu veut que son salut passe par la Communion, Dieu veut que son salut passe par l’Eucharistie, où l’on est vraiment en présence du mystère pascal. Nous avons détaillé par ailleurs en quoi tout cela était lié au mystère de l’Incarnation, qui est central, et qui est ce que le démon cherche avant tout à détruire.

Aujourd’hui, en France, alors que l’État a interdit le culte pour raison sanitaire, de nombreuses protestations s’élèvent pour signifier qu’il n’a pas le droit de faire une telle chose, que la nourriture spirituelle est plus importante que la santé, et que ce n’est pas au monde politique de dire ce que doivent être la vie et la pratique des croyants en une telle situation. Il est à souhaiter que cette revendication s’étende à une remise en cause plus complète de la politique sanitaire délétère qui est en train de détruire la société pour éviter quelques morts de plus en réanimation. Cela va ensemble, car l’union au Christ dans l’Eucharistie se doit d’être liée à un agir concret pour le bien de tous et de chacun. De fait, nous sommes en train de détruire la vie de la société, au nom de la vie de quelques uns. C’est une vraie euthanasie sociale, sous prétexte d’un acharnement thérapeutique sociétal. Il faut réagir. Et c’est peut-être d’abord à chacun de s’examiner sur cette question : Suis-je prêt, pour permettre à la vie de continuer, de ne pas être prioritaire en réanimation, s’il vaut mieux laisser la place à un père ou une mère de famille, à quelqu’un de plus jeune, alors que moi je suis célibataire, ou que j’ai dépassé un âge respectable pour mourir ? Suis-je prêt à prendre le risque de la vie, quitte à courir celui de la mort, pour moi ou pour mes proches ? À chacun de répondre. Mais l’on ne peut faire peser sur tous le refus de quelques uns de la mort. Prenons exemple sur le Christ qui a donné sa vie pour que nous l’ayons en abondance. C’est ce que nous vivons et célébrons dans le mystère de l’Eucharistie.

Aujourd’hui, la société est divisée sur cette question sanitaire ; et l’Église est divisée sur la question de la nécessité absolue de l’Eucharistie et de la Communion. Au premier confinement, nous ne savions pas vraiment ce qui nous arrivait et combien de temps cela allait durer. Il est légitime que nous soyons restés sur la réserve, dans une sorte d’unité imparfaite, pour nous laisser le temps d’observer, de méditer, de comprendre et de nous positionner. À ce deuxième confinement, les choses sont toutes autres, nous avons eu le temps de nous préparer, nous savons qu’à moins d’un miracle venant de Dieu, d’une mutation du virus, ou d’un vaccin (après lequel on court sûrement en pure perte, car le virus ne fait que muter), tout cela va s’inscrire dans la durée. Nous ne pouvons plus accepter d’être privés de l’Eucharistie, de la Communion et des autres sacrements plusieurs mois dans l’année. Nous ne pouvons plus accepter de laisser la société être détruite à cause de l’erreur de jugement de quelques uns. Il faut réagir ; il faut se positionner.

Bien sûr, ce ne sera pas l’avis de tous, mais à moins de rester dans une fausse unité, il faut oser aller de l’avant. Sur ces notions d’unité imparfaite, de fausse unité et d’unité parfaite, vous pouvez lire notre article Les trois unités.

Nous en sommes à ce confinement à un temps de positionnement où il faut accepter que beaucoup ne nous suivent pas. Nous pensons que nous allons sortir de ce confinement avec une Église et une société divisée entre ceux qui vivent dans une fausse unité et ceux qui ont fait le choix d’une unité plus parfaite : à savoir pour cette dernière en partie par le témoignage de la nécessité de la messe et du Pain de Vie, et également par la prise en compte de tout le bien commun de la société, et non uniquement de celui des centres de réanimation. Le pape François aime dire que l’unité est supérieure au conflit : alors il ne faut pas avoir peur des conflits, car il y a une unité plus forte qui est celle de l’Esprit-Saint. Ces conflits sont désolants, mais il n’y a pas de choix du vrai bien sans accouchement douloureux.

Beaucoup de prêtres et d’évêques risquent de ne pas nous suivre dans l’expression de nos revendications. C’est ainsi. Heureusement, tant sur toute expression publique de la nécessité du culte divin, que sur toute manifestation au sujet de la gestion de la crise sanitaire, cela relève clairement de l’agir dans la cité, et donc de la responsabilité des laïcs. Ceux-ci ont toute légitimité à agir de leur propre chef sur ces questions. La hiérarchie ecclésiastique n’a pas autorité en la matière. Par contre, pour ce qui est de la manière de participer à l’Eucharistie et de recevoir la Communion, elle a autorité ; mais pas sur la manière de demander à l’État l’autorisation de la messe.

Ce confinement verra donc, selon nous, une division et une détermination dans deux directions de la communauté ecclésiale. Ce ne sera pas encore dans l’immédiat avec un choc frontal, et des tensions trop vives. Mais nous pensons que nous sortirons de ce confinement avec une rupture consommée, qui fera qu’en cas de prochains confinements ou d’une nouvelle crise similaire, une minorité agissante sera conduite à rendre un témoignage clair envers l’Eucharistie et pour le bien de la société, cette fois-ci avec l’hostilité profonde du reste de la communauté ecclésiale. Ce sera une sorte de Passion qui mènera à une sorte de Résurrection pour notre pays, et sûrement plus largement. Une unité plus parfaite adviendra, par la grâce divine, autour de laquelle la communauté ecclésiale se recomposera. Une unité qui tiendra un certain temps, dans l’attente que se renouvelle un nouveau passage vers une unité encore plus parfaite.

À chacun de se positionner pour ou contre le mystère de l’Incarnation, pour ou contre la messe et la Communion, pour ou contre les sacrements. Pour ou contre le bien commun de la société au-delà de celui des centres de réanimation. Nous ne pouvons nous contenter d’une religion de purs esprits ; nous voulons la religion de Jésus-Christ, la religion du Pain de Vie, la religion de l’Eucharistie. Et nous ne pouvons croire que la société sortira indemne d’une politique de troglodytes, qui est en train de détruire les équilibres psychologiques, sociaux et économiques.

Alors, résistons.

Certains croient que la destruction est créatrice de valeurs, qu’elle est l’occasion d’un renouvellement. Ils pensent que la mise à mal des équilibres mènera au-delà du chaos, dans le chaos, à l’irruption d’un nouveau projet de société mieux fondé. Ce n’est pas notre avis. Nous sommes pour la rénovation, et non la destruction. Nous sommes pour garder les équilibres vitaux et les poutres maîtresses, et ne quitter un équilibre imparfait que dans le choix d’un équilibre plus parfait. Cela peut mener à un témoignage douloureux, mais cela reste le choix de la vie et non de la mort. Notre résistance est une résistance de la vie.

Certains pensent que les sacrements sont accessoires, tout comme certains pensent que la Révélation chrétienne, que l’Église, que le Christ, sont accessoires, qu’il y a bien d’autres manières d’apporter le salut de Dieu au monde. Pour notre part, nous croyons que le mystère de l’Incarnation Rédemptrice est le point central de l’histoire autour duquel tout prend son sens, et en dehors duquel il n’y a pas de salut. Nous pensons qu’il y a un témoignage à rendre à l’Incarnation Rédemptrice, et que celui-ci passe inévitablement par une attention particulière aux sacrements, par un témoignage sur l’Eucharistie, sur le Pain de Vie. Sans cela, nous risquerions de jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire de passer à côté du mystère du Christ qui se livre à nous dans sa chair, au nom d’une prétendue sagesse qui réfléchit selon le monde. On ne magouille pas avec le Bon Dieu : il est désolant que des raisonnements tout humains nous fassent passer à côté des grâces des sacrements, sous prétexte de garder notre réputation, notre sécurité, notre argent ou notre santé. Le témoignage est un martyr.

Résistons.

Le virtuel ne suffira pas. Les messes retransmises ne sont pas une réalité, mais une image. Ce n’est pas un sacrement pour ceux qui les regardent. Il est dommage que l’on passe beaucoup de temps dans certaines paroisses à mettre en ligne la messe du curé, alors que l’offre sur internet est déjà abondante, et au lieu de donner réellement les sacrements. En tout cas, il ne faut pas que ce soit la seule réaction. L’Église est en mission. Recevoir un sacrement, c’est se disposer personnellement à vivre cette mission. Il est urgent que l’Église retrouve le chemin joyeux de la mission en permettant au plus grand nombre d’avoir accès aux sacrements, quitte à prendre le chemin des catacombes.

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