Hommes et Femmes dans le plan de Dieu

Quelques intuitions et réflexions

noces de Cana
Icône des noces de Cana

« La Bien-Aimée
Lève-toi, aquilon, accours, autan !
Soufflez sur mon jardin, qu’il distille ses aromates !
Que mon bien-aimé entre dans son jardin,
et qu’il en goûte les fruits délicieux !

Le Bien-Aimé
J’entre dans mon jardin, ma sœur, ô fiancée,
je récolte ma myrrhe et mon baume,
je mange mon miel et mon rayon,
je bois mon vin et mon lait.

Mangez, amis, buvez, enivrez-vous, mes bien aimés ! »

Cantique des Cantiques 4, 16 – 5, 1

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Introduction

« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (Gn 1, 27). « Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! […] Or, la Femme mit au monde un enfant mâle » (Ap 12, 1;5). De la Genèse à l’Apocalypse, en passant par le Cantique des Cantiques et tous les autres livres, la Bible parle d’hommes et de femmes. C’est un sujet intéressant parce qu’il est au cœur du projet de Dieu et qu’il nous concerne tous. De plus, dans le contexte actuel où l’essence et les postures respectives des hommes et des femmes sont très questionnées, il est d’autant plus judicieux de chercher quel est le plan de Dieu à ce sujet.

J’ai voulu présenter ici quelques intuitions, glanées ou forgées au cours de mon existence, que ce soit par diverses expériences, en particulier dans une communauté religieuse mixte très eucharistique, par la lecture assidue de la Bible, par des rencontres et par mes études philosophiques et théologiques. Mon but est de pouvoir discuter de cela pour le service du Christ. Sont-elles toutes vraies ? Je ne sais pas. Mais il m’apparaît intéressant d’échanger là-dessus ; et j’y trouve pour ma part une certaine fécondité.

Je commencerai donc mon propos en cherchant les différences de posture du masculin et du féminin, avec ce point de départ de leur rapport à l’intériorité et à l’extériorité ; pour ensuite m’intéresser davantage au mystère chrétien.

I – Différences de posture du masculin et du féminin

Il est assez fréquent d’entendre ou de lire que le masculin a une plus grande affinité avec l’extériorité et le féminin avec l’intériorité. Nous allons commencer par nous attarder un peu dans cette première partie sur ce thème de l’intériorité et de l’extériorité. Puis nous regarderons plus particulièrement les choses sous l’angle du don et de la vie. Et enfin, nous ferons quelques considérations pour aller un peu plus loin.

1 – L’intériorité et l’extériorité

a – Quelques constats

J’ai vécu dans une communauté mixte où le travail de tous les jours était manuel : c’étaient des travaux de maison, des travaux de jardins, des travaux auprès des animaux et des travaux de bâtiments pour rénover ou construire dans la propriété. Même si tous participaient des différents aspects, l’on pouvait quand même remarquer qu’il y avait une plus grande facilité des hommes pour les travaux de force, et des femmes pour rendre les lieux habitables et habités. De plus, en proportion, les hommes étaient plus portés vers les travaux extérieurs et les femmes vers les travaux intérieurs, même si ce n’était qu’une proportion et non une exclusivité, bien loin de là. On voyait aussi qu’il y avait souvent une entraide mutuelle pour aider l’autre à agir par lui-même dans les lieux où il avait moins d’aisance.

On peut noter aussi que, dans cette communauté, les hommes et les femmes travaillaient à la maison, ce qui fut le cas de la plupart des membres de l’humanité au cours de l’histoire. Ce n’est que récemment dans nos pays que l’on s’est mis dans une telle proportion à quitter le foyer pour aller travailler. Cet état de fait a créé de nombreux déséquilibres, du fait notamment que le premier à partir fut l’homme, et que le lieu du travail n’est plus le même que le lieu familier et de sociabilité où l’on demeure.

Une chose intéressante à regarder pour continuer notre réflexion sur l’intériorité et l’extériorité est la manière dont l’homme et la femme accueillent l’enfant. La femme le porte en son sein : il vient en elle, à l’intérieur d’elle. L’homme, lui, vit cela de l’extérieur : l’enfant reste à l’extérieur de lui, et il a ce rôle d’amener l’enfant vers l’extérieur, vers le monde, vers l’aventure de la vie.

Un autre lieu intéressant est celui de notre posture dans le vaste monde. Au camp Optimum de l’Emmanuel, ils disaient que l’âme masculine était animée de quatre désirs fondamentaux : avoir une aventure à vivre, un combat à mener, un royaume à gouverner, une belle à aimer. L’homme cherche l’aventure, il est porté vers la réalisation de projets. La femme, elle, cherche aussi à explorer le monde, mais pour le rendre habitable.

Karol Wojtyla, dans Amour et responsabilité, dit que les hommes sont plus portés vers les choses liées au corps, alors que les femmes sont plus portées vers les choses affectives (passions, sentiments). On pourrait dire que les premiers ont une plus grande affinité avec les sens externes, et les secondes avec les sens internes. Par contre, je ne pense pas qu’il faille voir dans la recherche de différences pour le féminin et le masculin entre l’intériorité et l’extériorité, celle de l’âme spirituelle et du monde sensible, celle de la spiritualité et de la matérialité. Il y a certainement des différences de posture au sein du monde spirituel, et au sein du monde matériel, mais pas l’une par rapport à l’autre. Il y a très certainement une posture spirituelle pour l’homme qui va davantage être orientée vers le corps, et une pour la femme davantage orientée vers les choses affectives ; mais ces deux postures sont spirituelles.

Puisque l’on parle de spiritualité, l’on peut noter la phrase de Jean-Paul II comme quoi « la femme est la sentinelle de l’invisible », ce qui montre un côté plus intérieur. Et l’on peut noter que le ministère sacerdotal a été confié aux hommes, ce qui montre que quand il s’agit de l’offrande spirituelle et de signe sacré à réaliser, l’homme a une plus grande affinité pour cela ; de fait, cela est lié à l’extériorisation du mystère.

Enfin, un dernier lieu pour nous questionner est celui du langage. En français, quand l’on veut désigner une réalité qui comprend du masculin et du féminin, on use du masculin. Le mot est un signe qui pointe vers une réalité : il permet d’atteindre la réalité par l’extérieur (depuis cet autre qu’est le signe) pour ensuite aller à l’intérieur (à la réalité signifiée elle-même). Il se pourrait qu’il soit un masculin pour cette raison. Cela est d’autant plus intéressant à regarder que les noms des Personnes divines du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint sont des masculins, alors que l’on sait bien que leur amour et leur vie contiennent tout ce vers quoi renvoient le féminin et le masculin. On peut aussi noter que le nom de la Trinité comme le mot de Personne sont des féminins : dès que l’on creuse un peu, l’on tombe sur du féminin.

b – L’intériorité et l’extériorité pour le monde spirituel

Mais qu’est-ce que veut dire l’intériorité et l’extériorité pour le monde spirituel ? C’est cela qu’il faudrait caractériser pour avancer dans notre réflexion sur le masculin et le féminin.

On peut déjà regarder les choses sous l’angle de la conscience avec le for interne et le for externe. Il y a ce qu’il y a en nous, et il y a ce qui transparaît autour de nous. Il y a le cœur, et il y a ce qui est accessible à autrui. Le cœur est le lieu de l’Amour. Alors que ce qui transparaît se fait souvent par la Parole.

On peut aussi regarder les choses par rapport à une communauté humaine, comme celle par exemple d’une famille. L’extérieur, c’est ce qui jaillit de la communauté, c’est le fruit de vie ; pour la famille, c’est entre autre l’enfant qui part vers l’extérieur du foyer ; cela peut-être aussi tous les projets, toutes les réalisations. L’intérieur, c’est l’union ; c’est cette communion qui s’installe entre les membres de la communauté ; c’est ce qui se vit dans la maison, entre les membres de la communauté.

Mais regardons maintenant le corps de l’homme et de la femme pour y trouver un signe de ce qui les distingue dans leur spiritualité. La femme accueille la vie en son sein. L’homme donne la semence. L’on voit ici les thèmes de la vie et du don. Le don de la vie. La vie qui se donne. La vie et le don. La vie est plus intérieure, car c’est elle qui se donne, c’est cette existence qui entre dans les moments du don. Le don est plus extérieur. Il permet à la vie de se répandre. C’est ce thème de la vie et du don que nous allons étudier par la suite pour avancer dans notre propos. De fait, la vie qui se donne est le dynamisme de l’être. Nous sommes à un niveau plus fondamental que l’approche de la conscience qui s’intéresse aux facultés humaines, et bien sûr que celle de la communauté de personnes. C’est à ce niveau plus fondamental que nous allons nous situer pour trouver ce qui distingue le plus le masculin et le féminin.

2 – Le don et la vie

Saint Ignace dit que « L’amour est un échange de dons. ». Le monde spirituel, qui est fondé sur l’amour, peut être perçu comme un monde d’êtres vivants qui entrent dans des logiques de dons. Ce sont des vies qui se donnent. Comme on vient de le dire, la vie est par rapport au don plus intérieure ; et le don plus extérieur. Cela pourrait laisser entendre que le féminin a une plus grande affinité avec la vie, et le masculin avec le don.

Or, souvent, quand on parle de don, on l’associe davantage au féminin (des œuvres sociales, familiales…). Il faut bien voir que cette association se fait car l’on considère un don qui donne la vie, un don où l’accent mis sur la vie à donner est prédominant. Alors que le don est beaucoup plus vaste : toute réalisation, tout projet, tout échange, fut-il monétaire, peut être vu sous l’angle du don, qui n’est pas toujours gratuit ou réciproque.

Le thème du don rejoint les considérations que l’on trouve chez les anciens sur l’actif et le passif quand ils parlent du masculin et du féminin. Mais il faut quand même dire que cette approche ne présente qu’une facette, semble s’arrêter à des considérations sur le don, et ne va pas jusqu’aux logiques de la vie. Sans être approfondie, elle peut être très réductrice.

Le thème du don est depuis le XXème siècle, en partie grâce à Jean-Paul II, très étudié. Le don se caractérise par quatre moments : le don reçu, le don intégré, le don donné et le rassemblement. Le don reçu, c’est ce que nous donne l’autre. Le don intégré, c’est le fait de faire passer ce que l’on reçoit en nous, dans notre être, dans notre personnalité. Le don donné, c’est le don que l’on fait à l’autre. Et le rassemblement, c’est le fait d’unifier tous nos moments du don, de les considérer ensemble. Mère Teresa dit que la joie vient du don. Entrer dans les logiques du don donne la joie.

Le thème de la vie est moins étudié dans ces différents moments. Dans l’Évangile, un jour, Jésus guérit un aveugle ; mais cela se fait en deux fois, car la première ne semble pas marcher complètement. Et après le première fois, l’aveugle dit en regardant les gens : « Ils ressemblent à des arbres et ils marchent. » Mc 8, 24. Ressembler à des arbres. C’est un symbole de cette vie qu’il y a en nous ; de ce dynamisme qui est le premier niveau d’un être après le fait qu’il est. L’arbre a des racines. Le premier niveau de la vie est le fondement : il s’agit d’avoir une terre fertile. L’arbre a un tronc : le deuxième moment est le déploiement. La vie se déploie sur son fondement. Mais le tronc sert aussi à ce que l’arbre repose sur le sol. Le troisième moment est le repos : il s’agit de se reposer sur son déploiement de vie et son fondement. L’arbre a aussi des feuilles et des fruits. Le quatrième moment est l’achèvement. Il s’agit de porter des beaux fruits de vies qui donnent aussi la vie. Voilà donc les quatre moments : fondement, déploiement, repos, achèvement.

De plus, quand l’on se repose sur son déploiement de vie qui va de son fondement à son achèvement, cela donne la paix. La paix est la tranquillité de l’ordre, comme on le dit classiquement. Mais il s’agit d’un ordre de vie ; il s’agit bien de dire que les choses suivent convenablement leur cours dans l’existence. La paix est liée à la vie, comme la joie est liée au don. Lier la paix à la vie montre bien que la paix n’est pas l’absence de problèmes, ni un vide ou un repli sur soi. La paix est le fait d’entrer convenablement dans le flot impétueux de la vie.

Mais venons-en aux hommes et aux femmes. Les femmes ont, parmi les moments de la vie, une plus grande affinité avec le fondement ; de fait, l’on compare souvent la femme à une terre, à un jardin, comme c’est le cas dans le Cantique des Cantiques (4, 16 – 5, 1). Et parmi les moments du don, elle est davantage associée au don intégré, car elle a ce rôle de permettre à une vie de croître en elle : elle doit porter l’enfant, porter la vie. C’est la femme qui a la mission de permettre aux choses d’entrer dans une durabilité, dans une consistance d’existence. L’homme, lui, serait plutôt à associer parmi les moments de la vie avec le déploiement, car il aime vivre des aventures et porter des projets ; il a aussi ce rôle de permettre à l’enfant d’aller vers son déploiement de vie. Et parmi les logiques du don, il est plus proche du don donné. C’est lui qui donne la semence. C’est plutôt l’homme qui conduit l’enfant à se dépasser. C’est lui qui aime se donner dans des aventures.

Le fondement est ce qu’il y a de plus intérieur, et ce qui caractérise le plus la vie, car c’est la terre féconde sur laquelle tout va se déployer. Le don donné est ce qu’il y a de plus extérieur, et ce qui caractérise le plus le don, car le don est lié au fait de donner. On voit donc que la femme est davantage liée à la vie et au côté intérieur, et l’homme au don et au côté extérieur.

Remarquons que ce qu’il faut bien voir dans toutes ces différenciations entre l’homme et la femme que nous faisons ici, c’est que ce n’est jamais une exclusivité, mais une plus grande affinité en général. L’homme et la femme sont complémentaires pour contribuer à avoir un comportement commun unifié.

C’est à travers cette différenciation sur le don et la vie que l’on peut retrouver les autres différences citées plus haut, dans leur prolongement. On peut aussi noter qu’il est fréquent d’associer l’homme à la force et la femme à la beauté : il n’y a qu’à regarder les questions et les comportements des enfants pour percevoir cette différence. De fait, la force est liée au don, car il faut de la force pour déployer les choses dans le don. Et la beauté est liée à la vie, du fait du lien entre la beauté et la fécondité.

Nous avons associé l’homme au don donné et au déploiement de vie, et la femme au fondement et au don intégré. Il reste quatre moments du don et de la vie : le repos, l’achèvement, le don reçu et le rassemblement. C’est là la posture de l’enfant qui se repose sur ceux qui s’occupent de lui, qui est l’aboutissement de l’amour des parents, qui a sa prédominante comme bénéficiaire du don, et qui apporte une certaine unité. De fait, beaucoup de couples trouvent dans leurs enfants une grande aide pour continuer à avancer ensemble. Mais, au-delà du fait d’être un enfant dans son sens premier, il faut voir que nous sommes tous bénéficiaires du don des autres ; nous avons tous aussi une posture d’enfant en plus d’être homme ou femme. Il ne s’agit pas là de parler d’infantilisme, ou de puérilité d’une manière négative. Mais il s’agit de dire que nous sommes tous dépendants des autres pour certaines facettes de notre déploiement de vie. C’est la définition de l’enfant.

Il convient donc d’ajouter un troisième terme quand l’on parle d’homme et de femme, c’est celui d’enfant. Il y a le masculin, le féminin et l’enfantin. Se réduire à une pensée binaire sans considérer l’enfant risque de nous entraîner dans des considérations déséquilibrées, où nous associons au masculin ou au féminin la posture qui est celle de l’enfantin. Notre lecture du réel doit être ternaire et non binaire.

L’homme et la femme agissent conjointement pour permettre à l’enfant de réaliser son existence. De même, nous nous permettons tous réciproquement des déploiements de vie. Nous sommes tous bénéficiaires comme enfantin du don des autres pour nos déploiements de vie. Et nous contribuons comme homme ou comme femme à soutenir le déploiement de vie des autres et de la communauté. L’on voit ici que ce qui se déroule dans la société est dans le prolongement de ce qui se vit dans la famille. Et l’on voit aussi que nous avons tous besoin de repères masculins et féminins pour que notre vie se déploie convenablement dans le don.

3 – Quelques considérations

a – Les vertus de l’agir humain

Ce qui a été dit sur le dynamisme de l’être, qu’est la vie et le don, se prolonge dans le dynamisme des facultés. Ce sont là les vertus, parmi lesquelles nous allons considérer les vertus de l’agir humain, avec à leur tête les vertus cardinales : la prudence, la justice, la force et la tempérance.

Ces vertus se présentent comme des crêtes entre deux abîmes pour avancer vers le sommet dans l’excellence de l’agir humain. Nos considérations sur l’intériorité et l’extériorité, et sur la vie et le don, nous amènent à penser que les vertus peuvent être considérer sous un angle plus intérieur du dynamisme profond pour que la faculté se déploie dans ses potentialités, et sous un angle plus extérieur de l’ajustement de ce dynamisme pour qu’il aille plus convenablement vers sa finalité. Cela nous amène à considérer pour chaque vertu les deux versants de la crête qui correspondent à ces deux dimensions. De la même manière qu’il faut le masculin et le féminin pour que l’enfantin se déploie convenablement dans l’existence, il faut considérer ces deux dimensions pour ajuster l’agir humain.

Ainsi la prudence qui considère le bien à bien faire correspond au dynamisme du fait d’entreprendre. Il y a l’entreprise qui est ce dynamisme plus intérieur de la vertu. Et il y a la prudence qui est l’ajustement de ce dynamisme. Pour rester sur la crête de la vertu, il faut tantôt aller davantage du côté de l’entreprise, tantôt davantage du côté de la prudence ; de la même manière qu’en montagne, on est tantôt plutôt du côté d’un versant, et tantôt plutôt de l’autre, mais que l’on avance en fait vers le sommet.

La tempérance qui est la vertu pour choisir un bien parmi d’autre correspond au dynamisme de jouir d’un bien. Il y a la jouissance qui est le dynamisme plus intérieur. Et il y a la tempérance pour ajuster ce dynamisme.

La force est la vertu pour réaliser le bien. Cela correspond à ce dynamisme profond lié à l’amour du bien, lié au fait de chérir le bien ; ce qui s’appelle la tendresse. Ce dynamisme doit être régulé par la force pour que la tendresse nous porte bien vers le bien.

La justice est la vertu pour donner le bien qui est dû. Cela correspond au dynamisme profond qui consiste à donner à l’autre le bien dont il a besoin, ce qui s’appelle la bienveillance. Ce dynamisme doit être réguler par la justice pour que tous ait le bien qui leur revient.

Prudence, tempérance, force et justice pour le côté extérieur des vertus. Entreprise, jouissance, tendresse et bienveillance pour le côté intérieur. Même si, en entrant dans le détail de chaque vertu, il n’est pas toujours évident ou approprié d’associer un aspect plus particulièrement à l’homme ou à la femme, l’on voit en tout cas que se dessinent deux visages de la vie vertueuse qui correspondent globalement à un visage plus masculin et un autre plus féminin. Car ils sont liés réciproquement davantage au don et à l’extériorité, et à la vie et à l’intériorité. Ainsi, pour ajuster notre vie vertueuse, nous avons besoin de ces deux visages, et donc d’hommes et de femmes.

Le visage plus extérieur est celui que l’on cite en premier quand l’on parle des vertus, même si le deuxième est souvent ajouté, au moins d’une manière secondaire et non nécessairement systématique pour aider à mieux comprendre la vertu. Cela montre bien ce chemin que suit la pensée en commençant par l’extérieur pour arriver à l’intérieur. De la même manière, on a commencé par établir les moments du don avant ceux de la vie. Et on aura eu tendance à avoir une perception d’abord masculine de l’humanité, au moins dans le discours, avant d’équilibrer les choses.

b – Connaissance et intelligence

Nous aimerions faire maintenant deux remarques sur la connaissance et l’intelligence. Elles peuvent paraître plus abstraites et un peu plus éloignées de notre sujet, mais elles sont à nos yeux très éclairantes, et enrichissantes pour les relations hommes/femmes. Elle corresponde aussi à une posture anthropologique particulière.

La connaissance, dans un contexte biblique, c’est le fait de s’unir dans la vie. Et c’est en particulier utilisé pour l’union des époux. La connaissance est la faculté spirituelle pour s’unir dans la vie qui permet un toucher de l’être, un goût de la vie et un odorat du don (tout cela étant conscient ou inconscient). L’intelligence, c’est la faculté qui permet de saisir les essences des êtres connus. C’est une ouïe de l’essence en tant qu’elle oriente l’existence, et une vue de l’essence en tant qu’elle caractérise l’être. Sensation et vision. Connaissance et intelligence. En plus de cela, il y a la volonté qui permet de soutenir le déploiement de vie, le déploiement de nos facultés ; et il y a dans l’intelligence, la mémoire des intelligibles.

« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, du Verbe de vie… » (1 Jn 1, 1).

La pensée hébraïque avait perçu la connaissance, mais très peu l’intelligence. La pensée grecque percevait les deux, mais l’exprimait dans des concepts assez larges et englobants qui n’ont pas forcément aidés à bien les distinguer. La pensée latine en récupérant les concepts grecs n’a gardé que l’intelligence comme faculté de l’âme, et a mis le primas sur l’illumination. C’est peut-être une lecture un peu schématique du chemin de la pensée, mais elle paraît assez éclairante.

Alors que chez saint Jean, le Verbe est d’abord vie avant d’être lumière. « Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » (Jn, 1, 4). Il y a la connaissance avant d’avoir l’intelligence.

La connaissance et la sensation spirituelle ont un côté plus féminin. L’intelligence et la vision ont un côté plus masculin. Le déséquilibre où l’on met peu l’accent sur la connaissance au sens où on l’entend ici est un autre témoignage d’une certaine masculinisation de la pensée.

« Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn, 17, 3). La vie éternelle, ce n’est pas d’abord de contempler l’essence divine, même s’il y a de cela aussi. C’est d’abord de vivre de la vie divine, d’être unis à la vie divine, d’adhérer à la vie divine. Et adhérer à Jésus-Christ, c’est la sanctification, l’irruption de la vie divine, qui mène à l’illumination et au perfectionnement dans la vie divine ; et non d’abord l’illumination.

Notre autre remarque concerne plus particulièrement l’intelligence. Celle-ci abstrait des concepts de l’être connu, les place dans la mémoire, et se sert de ces intelligibles pour entrer dans l’intelligibilité des essences des êtres rencontrés. Or, il apparaît que tous les intelligibles qu’utilisent notre intelligence ne sont pas tous dans notre intelligence. Cela paraît évident pour les idées des anges (qui ne sont pas abstraites de la réalité, elles, mais innées) et de Dieu (elles sont éternelles) : c’est en elles que nous allons trouver l’intelligibilité pour penser les essences angéliques et l’essence divine. Cela se fait obscurément dans la condition actuelle (en usant du procédé d’analogie, mais en en ayant quand même une certaine perception ou sensation), cela se fera dans la vision dans l’au-delà. Mais pour les concepts humains, il nous apparaît que tous ceux dont nous usons ne se trouvent pas dans notre intelligence : il y en a que nous sommes capables d’abstraire, de placer dans notre mémoire et d’intelliger, mais il y en a d’autres que nous pouvons seulement intelliger chez les autres, dans leur intelligence.

Il en va ainsi selon nous des concepts de masculinité et de féminité. Seul un homme est capable d’abstraire le concept de masculinité ; seule une femme est capable d’abstraire le concept de féminité. Quand un homme veut penser la féminité, il est obligé d’être en communion avec des femmes pour trouver chez elles le concept associé. Quand une femme veut penser la masculinité, elle est obligée d’être en communion avec des hommes pour trouver en eux le concept associé. Il y a là une nécessité inhérente au fonctionnement de notre intelligence de vivre l’altérité pour avoir une pensée équilibrée.

Cela est donc vrai pour la masculinité et la féminité, mais cela est vrai selon nous pour tout un tas d’autres concepts qui ne sont l’apanage que de quelques uns : nous avons chacun les concepts pour bâtir notre propre maison ; ils correspondent à ce que nous sommes ; et nous devons chercher chez les autres ce que nous ne sommes pas. Et l’on s’aperçoit ainsi que chaque personne rencontrée a quelque chose à nous apprendre, car il a en lui des concepts que nous n’avons pas, ou tout au moins la capacité à avoir ces concepts, alors que nous, nous ne les avons pas ; que certains nous ne les aurons jamais, et que nous ne pourrons les percevoir que chez les autres.

II – Le mystère chrétien

Après ces considérations plutôt philosophiques sur les particularités et les postures de le masculinité et de la féminité, intéressons-nous maintenant au mystère chrétien avec ce même questionnement de la masculinité et de la féminité. Nous commencerons par nous intéresser au Christ, puis à notre propre posture pour enfin finir sur quelques considérations.

1 – Le Christ Jésus

Jésus est le Fils de Dieu qui s’est incarné. Il s’est fait petit enfant dans le sein de la Vierge Marie, il s’est montré ainsi à la Crèche, il a grandi dans la Sainte Famille, puis il a donné sa vie pour nous à la Croix, il est Ressuscité, et il continue à se donner à nous dans les sacrements, en particulier dans l’Hostie et dans le Vin. Notons au passage que l’Hostie, le Corps, parle d’extériorité et de don, alors que le Vin, le Sang, parle d’intériorité et de vie. Il y a là cette dualité dont nous parlions plus haut.

Le Christ vient comme un enfant. Il faut bien dissocier la notion de Fils qui renvoie à la dépendance quant à l’origine au Père, ainsi qu’à une certaine ressemblance, de la notion d’enfant qui renvoie à une dépendance à un autre quant à son propre déploiement de vie. Le Christ est l’Enfant. C’est ce que montre la dévotion du Petit Jésus de Prague. C’est ainsi qu’il apparaît dans les bras de saint Antoine de Padoue. C’est ce que ne cessait de répéter sainte Jeanne Jugan après son mariage spirituel : « Il est né le divin enfant ! ». Le Christ s’est rendu dépendant des autres pour son propre déploiement de vie, jusqu’à accepter la Croix du fait de ceux qui l’on refusé. Le Christ se livre dans nos mains dans l’Hostie. Le Christ se rend dépendant de nous pour que sa vie se répande dans le monde. Le Christ a adopté dans le monde une posture d’Enfant. La symbolique de l’Agneau est entre autre un moyen pour désigner cela. C’est une kénose. C’est sa kénose. C’est le sens de la kénose, qui fait peut-être signe vers une kénose intra-trinitaire où les Personnes divines ont une certaine existence comme Enfant pour être dépendant de l’autre quant à leur déploiement de vie. « Le Père est en moi, et je suis dans le Père » (Jn 10, 38).

Et quand on accueille le Christ comme enfant, on devient enfant de Dieu, car c’est sa vie qui vient en nous. « Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jn 1, 12). « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’il soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité. » (Jn 17, 22-23).

Le Christ est l’Enfant, selon ce troisième terme de l’enfantin en plus du masculin et du féminin. Et il est aussi un masculin. Selon nous, cela vient de plusieurs choses. Il est le don fait à l’humanité, là pour offrir le monde à Dieu. Ce qui est davantage lié à la masculinité. Par ailleurs, son humanité est un signe vers le Verbe de Dieu et vers la divinité. Dieu est au-delà du masculin et du féminin, il contient en lui tout ce vers quoi renvoie le masculin et le féminin. Or le signe est extérieur dans sa désignation d’une réalité, il est donc plus éloquent que ce soit un masculin, du fait de ce que nous avons dit quant à la masculinité et à l’extériorité. Ensuite, le Christ est aussi la Parole ; et dans la couple Amour / Parole, c’est la Parole qui est davantage liée à la masculinité. Enfin, et ce qui nous paraît le plus explicatif parmi toutes ces raisons, c’est le fait, comme nous l’avons déjà signalé, quand dans une communauté, c’est l’union qui est le plus proche de l’intériorité et donc de la féminité, et le fruit de vie, et donc l’enfant, qui est le plus proche de l’extériorité et donc de la masculinité. Le Christ est l’Enfant dont la vie se déploie dans la terre féconde de l’Église. Cette terre étant féconde grâce à l’Esprit-Saint. « L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. » (Lc 1, 35).

Le Christ a épousé l’humanité comme Enfant. Et l’on voit qu’il y a ce troisième terme de l’Esprit-Saint, qui nous amène à voir les choses encore une fois d’une manière non binaire, mais ternaire. Il y a le Christ, l’Église et l’Esprit. C’est l’Esprit qui s’unit à l’Église comme l’époux ; mais cet Esprit est celui du Christ, c’est donc bien lui l’Époux, mais qui épouse comme enfant. Faire intervenir l’Esprit permet de mieux nous situer chacun dans notre masculinité ou notre féminité devant le Christ sans qu’il n’y ait de confusion devant la masculinité du Christ, car celui-ci a une posture d’enfant. Nous sommes un féminin devant l’enfant, ou un masculin devant l’enfant.

Certains théologiens ont tenté de parler de la Vierge Marie comme Épouse du Christ (c’est le cas en particulier du père Thomas Philippe). Cela a été rejeté : le Christ n’est pas l’Époux d’une créature humaine, du moins pas d’une manière directe ; c’est l’Esprit qui épouse pour constituer l’humanité comme Épouse. Les épousailles avec le Christ sont indirectes, elles passent par l’Esprit-Saint.

Chacun de nous, homme ou femme, sommes polarisés dans notre différence sexuelle et relationnelle fondamentale d’une manière horizontale. Le Christ, lui, est polarisée avant tout du Fils vers le Père, d’une manière verticale. Et c’est dans cette relation qu’il spire l’Esprit-Saint qui se répand sur le monde et qui de l’humanité lui constitue son Épouse. Nous, c’est en accueillant l’Esprit-Saint, et le Christ comme Enfant, que nous sommes ensuite plongés dans les relations trinitaires, et portés d’une manière verticale vers le Père.

2 – Notre posture de chrétien

Saint François d’Assise s’extasiait devant les relations humaines qui servent à nous plonger en Dieu et déclarait que la relation de filiation nous faisait entrer dans le mystère du Père comme fils ou fille du Père, celle d’épousailles dans le mystère de l’Esprit-Saint comme époux ou épouse de l’Esprit-Saint, et la relation parentale comme mère du Fils. (Cf. Daniel-Ange, La Femme, Sentinelle de l’Invisible, p 177-178, Édition du Jubilé, 2008). C’est d’ailleurs là les titres donnés à la Vierge Marie qui a vécu cela d’une manière éminente et au-delà de ce que nous vivons nous-mêmes : fille du Père, épouse de l’Esprit-Saint, mère du Fils. À ce que dit saint François, considérant aussi la posture du masculin devant l’Enfant, nous ajouterions également « père » du Fils. Chacun de nous vivons en petit l’accueil de l’Enfant comme un masculin et un féminin, pour entrer dans la vie divine, et contribuer à la répandre dans le monde. Nous sommes épousés par Dieu. C’est ce que désigne la vie religieuse qui montre cette plénitude de Dieu qui vient nous envahir dans tout ce que nous sommes. Et c’est aussi ce que l’on apprend de la vie familiale qui nous parle de toutes ces relations qui aboutissent finalement à la rencontre avec les Personnes divines.

Accueillir l’Enfant qui vient dans notre petitesse, et qui vient encore en-dessous de notre petitesse. C’est Jésus qui lave les pieds de ses disciples, qui vient par en-dessous. C’est une vie qui fait irruption en nous, qui se déploie en nous et nous plonge dans la vie trinitaire. Et charge à nous de contribuer au déploiement de cette vie en nous et dans le monde. Il nous est donné de porter la vie de l’Enfant-Dieu en nous et autour de nous. C’est une grande et belle responsabilité.

Et à partir de là, en se laissant façonner par le Christ, il nous faut apprendre à être aussi dépendant des autres pour beaucoup de choses, et à contribuer au déploiement de vie des autres. C’est cet échange de dons dont nous parlions tout à l’heure.

3 – Quelques considérations

a – Marie et Joseph

Marie est le modèle de la femme devant l’Enfant-Jésus. Joseph est le modèle de l’homme devant l’Enfant-Jésus. Marie et Joseph sont les deux modèles qu’il nous faut suivre pour bien accueillir l’Enfant-Jésus. Nous avons besoin des deux pour ajuster notre vie chrétienne.

À la Croix on trouve Marie et Jean. Jean est là pour représenter la masculinité ; mais l’on est en droit de penser que le plus grand modèle de l’homme au pied de la Croix, c’est saint Joseph, qui sans y avoir été physiquement a dû être celui qui l’a vécue intérieurement de la manière la plus intense.

L’Église a commencé avec raison son histoire en considérant surtout la Vierge Marie. De fait, il fallait commencer par le côté intérieur, par faire vivre en nous le mystère. Puis, au cours des derniers siècles, le culte de saint Joseph a grandi ; jusqu’à ce qu’il soit même nommé patron du Troisième Millénaire par saint Jean-Paul II. Cela montre ce chemin vers l’extériorisation du mystère chrétien. On est ainsi en droit de penser qu’il y un lien entre saint Joseph et la réalité surnaturelle de la civilisation de l’amour.

b – Orient et Occident

Il arrive de dire que l’Orient a une figure davantage féminine et l’Occident une figure davantage masculine. Pour l’Église, cela se perçoit dans sa liturgie : en Orient, il y a beaucoup de mouvements et de va-et-vient, alors qu’en Occident, tout est davantage linéaire. Cela se voit aussi dans son organisation : l’Orient est divers, alors que l’Occident est plus hiérarchisé. Nous pouvons cependant noté que dans la vie religieuse et monastique, cela semble le contraire, comme si cela permettait d’équilibrer les postures plus masculines ou féminines dans chacun de ces deux poumons. L’Orient et l’Occident, l’Église grecque et l’Église latine, est une dualité qui n’est pas sans lien avec la dualité femme et homme.

Mais de la même manière qu’à côté de la masculinité et de la féminité il y a ce troisième terme de l’enfantin, il y a une troisième culture qui vient unifier et imprégner la culture grecque et la culture latine : c’est la culture juive. Nous avons besoin de la culture juive pour réunifier notre famille divisée.

Notons au passage que l’Orient et l’Occident que nous avons considéré ici sont ceux de l’Europe, avec aussi un peu le Proche-Orient, à savoir la culture grecque et la culture latine. En-dehors de l’Europe, il y a aussi un Orient et un Occident : il y a l’Asie et il y a l’Amérique qui sont deux univers qui se font face, avec au milieu l’Afrique. Il y a là encore trois termes auxquelles on peut associer à nouveau des figures féminine, masculine et enfantine. Le monde est fait ainsi comme des poupées russes.

c – Prêtre, Prophète et Roi

Le masculin est associé à la figure du prêtre. C’est lui qui porte l’offrande de Dieu ; c’est lui qui porte l’offrande à Dieu. Le féminin est associé à la figure du prophète. La femme est la « sentinelle de l’invisible » nous disait saint Jean-Paul II. La femme est celle qui doit faire grandir la vie, inscrire les choses dans la durée, avoir ce sens des choses cachées. L’enfantin est associé à la figure du roi. C’est Jésus qui est l’Enfant et le Christ-Roi. C’est lui qui vient tout réunifier en Lui. C’est sa royauté qui demeurera à jamais.

C’est le prêtre, et donc l’homme, qui a la charge des sept sacrements. C’est lui qui réalise le don. Mais la femme a une affinité plus grande avec ce que l’on appelle la sacramentalité de la vie : c’est-à-dire avec les signes de Dieu qui perdure dans la durée au-delà des sept sacrements. Les espèces eucharistiques sont de telles signes par excellence, car il s’agit réellement du Corps et du Sang du Seigneur ; leur rencontre nous met donc en sa présence et nous obtient des grâces d’une manière efficace. Mais le peuple des baptisés est aussi un signe de l’Église et par là du Christ. Toute communauté chrétienne est un tel signe. Un religieux est un tel signe. Des époux chrétiens sont de tels signes. Un ministre ordonné est un signe du Christ-Tête. Un pénitent est un signe du Christ Miséricordieux. Un malade ayant reçu l’onction est un signe de Jésus Crucifié. Ces signes, quand ils sont connus comme signe, sont efficaces pour nous mettre en présence de ce qu’ils signifient, à savoir le Christ et l’Église, et pour nous obtenir des grâces. C’est la sacramentalité de la vie qui découle des 7 sacrements. Et les femmes sont mieux à même de percevoir et de nous éduquer à cette sacramentalité. C’est là au cœur de leur mission de prophétisme.

On a dans l’histoire de nombreux exemples de femmes ayant exercé un rôle prophétique dans l’Église : Mère Teresa, Chiara Lubich, Thérèse de Lisieux, Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne, Hildegarde de Bingen, etc. Il y en avait aussi dans l’Ancienne Alliance : la prophétesse Myriam sœur de Moïse, la prophétesse Anne, etc. Mais il n’y a pas aujourd’hui de fonction prophétique instituée.

Cela nous amène à la dernière intuition que nous voulons présenter. Certains la trouveront peut-être un peu osé. Mais il nous semble que l’Écriture et l’Esprit nous mène dans cette direction que nous ne voudrions peut-être pas prendre par nous-même, ou tout au moins que nous n’aurions pas pensé prendre par nous-même. Quand l’on parle de la place respective des hommes et des femmes dans l’Église, certains aimeraient ordonner des femmes prêtres ou autoriser les prêtres à être mariés. Notre perspective est différente ; elle prétend être fidèle à l’Écriture, à la Tradition vivante et aux inspirations de l’Esprit dans la perspective du temps long de la maturation des choses de Dieu. Elle prétend respecter la différence homme/femme, mais en cherchant le rôle propre de chacun.

Il est dit en apocalypse 12 qu’une femme surgira dans le Ciel a un moment donné de l’histoire. C’est là un signe de l’Église et de la Vierge Marie, mais c’est aussi selon nous un signe de ce prophétisme féminin dont nous parlons qui doit surgir dans nos églises. Il est dit en Genèse 2, 21-22 que Dieu a façonné Ève de la côte d’Adam. Et résonne encore à nos oreilles cette parole : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18). Il n’est pas bon que l’homme soit seul à gouverner l’Église, faisons un prophétisme féminin pour aider le sacerdoce masculin. Non pas pour le remplacer dans la célébration des sacrements, mais pour nous enseigner la sacramentalité de la vie. Et faisons que le sacerdoce et le prophétisme avancent ensemble dans la sanctification du monde pour tout apporter au Christ-Roi à l’achèvement de toute chose. Dans l’ordre de la sanctification, c’est le sacerdoce qui a la place principale. Mais la sanctification n’est pas la fin de toute chose. La fin de toute chose c’est la gloire de Dieu dans le déploiement de la vie divine ; et là, c’est la fonction royale qui a la première place. Il est donc plus qu’intéressant de considérer que le prophétisme et le sacerdoce avancent ensemble dans une dualité pour la sanctification du monde pour tout amener au Christ-Roi. Cela montre bien ce chemin de la sanctification à la glorification.

Nous parlions de la sacramentalité de la vie. Le prêtre est un signe dans la communauté du Christ-Tête comme Prêtre. Le diacre est un signe dans la communauté du Christ-Tête comme Roi. Ces signes sont efficaces quand ils sont connus comme signes. Le signe du Christ-Tête est plus abouti quand il est réalisé par un homme, car Jésus est un homme. Mais l’on peut remarquer que bien que les signes de l’Église sont, eux, plus aboutis quand ils sont réalisés par des femmes, car l’Église est une figure féminine, il y a aussi des hommes religieux qui sont signes de l’Église ; et dans nos communautés qui sont aussi des signes de l’Église, il y a bien des hommes. De la même manière, rien ne semble empêcher qu’il puisse y avoir aussi des femmes signes du Christ-Tête dans un ordre prophétique, c’est-à-dire du Christ-Tête comme Prophète, et pourquoi pas aussi du Christ-Tête comme Roi dans une forme de diaconie lié à ce prophétisme.

Et nous aurons ainsi un sacerdoce masculin et un prophétisme féminin pour œuvrer à la sanctification du monde, comme une réalisation de ces deux témoins, de ces deux flambeaux, de ces deux oliviers, que l’on trouve en Apocalypse 11 autour de Dieu et de son Trône. Le sacerdoce et le prophétisme, comme deux hiérarchies ecclésiales distinctes, pour enfanter ce monde à la vie divine.

L’on pose souvent la question de la place des femmes dans la hiérarchie de l’Église, qui existe peut-être, mais qui n’est pas très visible. L’on s’interroge aussi parfois de la place des hommes dans nos assemblées qui y sont parfois peu représentés. Au camp Optimum de l’Emmanuel, on disait que cela était lié à un langage ecclésial peu adapté pour les hommes et plutôt tourné vers les femmes. Il nous semble qu’il y aurait un plus grand équilibre si les signes du Christ-Tête étaient réalisés par les deux sexes, car nous sommes attirés par notre contraire, nous sommes polarisés par le sexe opposé. Et les hommes et les femmes se trouveraient tous les deux mieux dans l’Église. Mais, sur ce genre de chose, c’est surtout à Dieu qu’il faut demander qu’elle est sa Volonté.

Conclusion

Résumons pour conclure quelques intuitions parmi celles que nous avons développés ici. Nous avons dit que la femme avait une plus grande affinité avec la vie, et par là avec l’intériorité. Que l’homme avait une plus grande affinité avec le don, et par là avec l’extériorité. Qu’il fallait considérer le monde non d’une manière seulement binaire avec le masculin et le féminin, mais d’une manière ternaire en y ajoutant l’enfantin. Nous avons considéré que la vie sociale consistait en des enfantements réciproques, car nous nous permettions les uns les autres des déploiements de vie.

Nous avons également considéré que le Christ adoptait dans l’humanité une posture d’enfant, qu’il était l’Enfant, qu’il avait épousé l’humanité comme enfant en répandant sur elle son Esprit-Saint. Nous avons parlé de la figure de saint Joseph comme modèle de la masculinité devant l’Enfant, là où la Vierge Marie est le modèle de la féminité devant l’Enfant. Et nous avons parlé de la vocation prophétique féminine.

Et il y a aussi d’autres points plus secondaires que nous avons aborder.

Ce sont là quelques intuitions et réflexions pour contribuer à cette quête de sens, au sujet de l’homme et de la femme dans le plan de Dieu, qui semble habiter beaucoup de monde aujourd’hui. Confions-nous à ce sujet à la Sainte Famille pour qu’elle nous fasse entrer dans la vie qui l’anime, qu’elle nous éclaire de ses lumières, et qu’elle nous aide à ajuster nos manières d’être et d’agir entre hommes et femmes pour qu’il y ait plus d’amour et de communion dans le monde.

sainte famille b

8 commentaires sur “Hommes et Femmes dans le plan de Dieu

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