Le service des anges

Les anges peuvent-ils encore servir à quelque chose ?

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Introduction

Le monde que l’on connaît se trouve ravagé par les divisions et les conflits. Il cherche une unité qu’il n’arrive pas à trouver. Une unité qui lui permettrait d’avancer sereinement vers un horizon où chacun puisse réaliser sa vie paisiblement et librement dans la communion et l’harmonie. Mais le monde semble ingouvernable : on n’arrive pas à se mettre en chemin pour préserver l’environnement, on n’arrive pas à endiguer la faim et la maladie, on n’arrive pas à prévenir les conflits.

Les techniques humaines progressent, et l’on peine à trouver leur juste place, à leur mettre des limites et à les intégrer convenablement dans nos modes de vies pour préserver la nature et l’équilibre de nos existences. Il semble y avoir un conflit de plus en plus grand entre l’avancée des sciences et la nécessité d’un retour à une joyeuse sobriété.

Le sens de Dieu semble avoir disparu chez beaucoup de nos contemporains. Dieu est soit lointain et inconnaissable, soit il n’existe pas, ou bien on l’associe aux forces cosmiques. On n’ose plus parler de lui, on n’ose plus dire quelque chose de lui. C’est comme si les mots de la métaphysique et de la théologie avaient perdu leur sens et leur portée. Il semble même inadéquat de parler des anges qui ne semblent plus servir à grand chose. Ce qui laisse un vide que vient parfois combler des pseudo-spiritualités souvent assez déviantes.

Petit à petit, c’est le sens de la vie qui disparaît, on ne comprend plus ce que l’on fait ici-bas, on ne comprend plus comment unifier nos vies. On ne sait plus à quoi servent les nations, à quoi cela sert de vivre ensemble à plusieurs. On se résigne à une vie morne et sans saveur. Et si l’on a encore un peu le sens des choses de la vie, si l’on participe des multiples initiatives qui œuvrent pour le bien, on ne voit pas bien comment unifier ce monde qui court vers la division et la dispersion.

La métaphysique

En fait, le cœur du problème est avant tout métaphysique. La métaphysique est la science architectonique, première, celle qui unifie les autres. C’est en elle que l’on doit chercher l’unité de la pensée et du monde pour sortir de l’impasse. C’est grâce à elle que l’on pourra trouver l’horizon vers lequel notre monde pourra avancer dans l’unité et l’harmonie. Il s’agit là d’une réflexion en philosophie qui laisse la place dans une surélévation de la nature par la grâce à un horizon théologique plus vaste. La métaphysique va même reconnaître qu’il y a quelque chose qui la dépasse, à savoir Dieu et les anges, et qu’ils peuvent agir chez les hommes au-delà de ce qu’elle peut faire elle-même, car elle-même agit par les forces qui ont été déposées dans l’homme. Il peut donc y avoir une science plus grande et plus première, à savoir celle de Dieu ; et la solution à nos problèmes peut venir finalement de Lui ; mais trouver l’unité des sciences par la métaphysique permet à la nature humaine de se déployer convenablement et d’être une bonne terre pour la grâce.

La métaphysique a eu tendance au cours de l’histoire à se faire remplacer dans son rôle de servante de l’unité des sciences par une science subalterne, par l’une ou l’autre des autres sciences spéculatives.

Elle a pu se faire remplacer par la philosophie de la nature. Les hommes ont alors eu tendance à prendre modèle sur les animaux et les végétaux, à tout expliquer par le monde de la nature. Dieu a alors été perçu sous forme animale, ou on l’a vu comme étant la nature elle-même, comme étant un grand tout cosmique dans lequel nous sommes tous plongés. On a cherché à limiter la réflexion intellectuelle, à limiter l’action des hommes et la présence des machines, on a cherché le manuel et le concret à tout prix, on a quitté les villes. Et on a pensé que l’écologie sauverait le monde.

Elle a aussi pu se faire remplacer par les mathématiques. Le modèle qui a inspiré les hommes est alors celui des machines et des robots. Le monde de l’ingénierie semblait apporter la réponse à tous les problèmes des hommes. Dieu a été vu comme lointain et abstrait, ou bien comme n’existant tout simplement pas au profit de la raison humaine capable de tout expliquer. On a cherché à transformer l’homme par la science. On a pensé que la technique sauverait le monde.

On s’est retrouvé devant un choix impossible entre deux mondes qui semblent de plus en plus s’opposer. Mais la bonne nouvelle, c’est que le choix est mal posé, car ce n’est à aucune de ces deux sciences de donner le sens ultime du monde, mais c’est à la métaphysique.

Cependant celle-ci s’est comme effondrée : on a dit que c’était une science inaboutie, qu’Aristote n’avait pas réussi à la fonder (cf. Pierre Aubenque). On a dit que les mots qui y était employés n’avaient pas le sens que l’on voulait leur donner et n’arrivaient pas à parler de la richesse de l’être et de Dieu (cf. Heidegger), ou qu’ils n’avaient pas d’unité à travers l’histoire (cf. Michel Foucault). On s’est refusé à penser que nos mots pouvaient parler de Dieu. En fait, ce que l’on a récusé, c’est le procédé d’analogie.

Le procédé d’analogie consiste à dire une chose similaire de plusieurs choses différentes, en fondant le sens de ce que l’on dit dans la plus haute réalisation de cette réalité. Les autres réalisations étant des réalisations similaires, mais inférieures, de cette attribution. Il s’agit ici de l’analogie d’attribution qui ne doit pas être confondue avec l’analogie de proportionnalité qui compare des rapports. L’analogie de proportionnalité permet à notre intelligence de saisir l’intelligibilité d’une réalité grâce à une autre, mais ne met pas en lien la nature des choses comparées. Je comprends le rapport entre l’idée contemplée et l’intelligence contemplante en m’inspirant du rapport entre l’objet regardé et l’œil regardant. Mais cela ne dit rien d’une similitude dans la nature des choses, même s’il peut y avoir quelque part une analogie d’attribution pour fonder cette analogie de proportionnalité (dans l’exemple, le fait de voir quelque chose pour l’intelligence et pour l’œil). Alors que l’analogie d’attribution pose une similitude. C’est de cette analogie dont nous parlerons dans la suite.

Par exemple, le fait d’être se dit d’un chat qui est une substance et se dit de la couleur noire qui est un accident. Ce n’est pas le même type d’être, mais on emploie le même mot. Il y a une similitude, ce n’est pas équivoque, c’est bien la même attribution ; mais ce n’est pas pareil, ce n’est pas univoque, car cela ne s’applique pas au même degré d’être.

Un autre exemple d’analogie est l’attribution de la notion de personne. Il y a les personnes divines, les personnes angéliques et les personnes humaines. Il y a une similitude, c’est bien la même attribution ; mais c’est différent, le degré d’attribution de cette perfection est différent car le degré d’être est différent.

Aujourd’hui, on constate de grandes difficultés dans l’usage de l’analogie qui est assez étranger à notre mentalité. On a tendance à tout ramener à l’univocité ou à l’équivocité, tout est pareil ou tout est différent. Cela entraîne de nombreuses confusions dans les discussions et dans la pensée.

En métaphysique, il y a deux modes d’application de l’analogie, elle est employée de deux manières différentes.

Elle est tout d’abord employée au sein du monde matériel, du monde des êtres dotés de matière. Là, la plus haute réalisation de l’être est l’être humain qui est un être spirituel. Tout se comprend analogiquement en fonction de lui. L’intelligence humaine se trouve proportionnée à ce monde, et est capable de saisir par ses concepts toute l’intelligibilité des êtres qui y sont contenus.

Elle est aussi utilisée au sein du monde spirituel, ce qui comprend Dieu, les anges et les hommes. Là, la plus haute réalisation de l’être est Dieu ; tout se comprend analogiquement en fonction de lui. L’intelligence humaine n’est pas proportionnée pour ce monde ; elle n’a pas la capacité par ses concepts de saisir l’intelligibilité des anges et de Dieu.

Si on en reste au premier mode, les mots que l’on emploie restent valables uniquement dans le monde matériel ; parler d’autres choses n’a alors pas de sens. La métaphysique devient finalement une science de l’être humain source de toute la science. Et vu que le monde matériel est multiple, que l’homme est multiple, la science première ne trouve pas son unité, et toutes les sciences perdent leur unité.

La question est de savoir comment l’homme arrive à entrer dans l’intelligibilité du deuxième mode d’analogie. C’est là où les anges interviennent. Sans nécessairement nous fournir une intelligibilité d’essence de la réalisation des perfections spirituelles chez les anges et en Dieu, ils nous en fournissent au moins une intelligibilité d’existence. Je sais par les anges que tel attribut appliqué à l’homme existe aussi d’une manière plus haute chez les anges et éminente en Dieu. Le mot utilisé pour parler des anges et de Dieu a un sens, car les anges fournissent un lieu à mon intelligence pour juger que cela a un sens. Cela se fait car chaque ange a vocation à refléter une perfection particulière de Dieu et donc aussi du monde angélique. Les anges sont ce monde des idées que Platon avaient entrevu, non pas en étant le monde de tous nos concepts, mais en étant un monde où chaque ange parle d’un attribut divin, et de l’attribut angélique associé, et me permet de les penser comme existant, ou même, si Dieu veut et par sa grâce, de les contempler dans leur essence, ce qui nous arrivera dans l’état du Ciel. Les anges me permettent de passer de mes concepts pour la spiritualité humaine à l’intelligence de la spiritualité angélique et divine. Sans eux, je n’aurais pas de lieu d’intelligibilité à la hauteur de ces réalités. Ils me permettent d’entrer dans la richesse de l’être et de Dieu. Et ils assurent une continuité et une unité de la pensée sur les perfections des êtres spirituels au cours du temps et de l’histoire.

Et ainsi, par les anges, le deuxième mode d’analogie me ramène à Dieu où tout vient s’unifier, où tout trouve son unité. L’homme se trouve à la charnière entre le monde matériel et le monde spirituel, il permet de faire le lien. Toutes les choses du monde matériel tirent leur sens par analogie de ce qu’est l’être humain chez qui l’âme spirituelle est la forme du corps, la forme associée à sa matière. La substance humaine permet ainsi de faire le lien entre les deux analogies, mais l’unité ultime se trouve en Dieu par les anges. C’est là l’horizon de notre monde.

Ce qui doit inspirer la métaphysique n’est donc ni les animaux, ni les robots, mais les anges. Il n’y a pas à choisir entre le monde de la nature et le monde des robots, il faut choisir le monde gouverné par la spiritualité. La pensée humaine, pour trouver son unité, pour arriver à donner sa juste place et sa compréhension à chaque science ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les anges. Elle doit se laisser attirer par eux, car c’est eux qui lui permettront de se fonder en profondeur ; cela permettra de sortir d’une humanité auto-référencée incapable de se gouverner elle-même. C’est un vaste champ à explorer, et cela doit se faire en philosophie, et non pas seulement en théologie. Je suis pour une métaphysique des anges.

Dans cette démarche, il convient de déterminer quelles perfections humaines se retrouvent aussi chez les anges à un degré supérieur, et donc en Dieu. Il s’agit là d’évacuer tout ce qui est matériel pour ne retenir que le spirituel. Ce n’est pas une désincarnation, car les anges sont en eux-même une plénitude d’être, ils ne sont pas abstraits ; ils nous poussent donc vers notre propre plénitude d’être qui est faite pour la chair, pour l’incarnation. Dans ces perfections qui conviennent à eux, il y a très certainement l’être, la personne, le bonheur, la joie, la paix, la vie, l’harmonie. Pour tout cela, on voit assez bien de quoi il s’agit. Mais comment se retrouvent la masculinité et la féminité ? L’enfance ? La famille ? La conjugalité ? Cela ne dit-il pas quelque chose de la spiritualité angélique et divine ? Ou bien toutes ces choses ne sont-elles finalement que des choses purement matérielles ? C’est une vaste question. Une question qu’il ne faut pas éluder, car on ne pourra vraiment défendre ces choses-là dans le monde des hommes que si on a fondé notre combat en Dieu qui est à la source de toute chose et qui est notre horizon ; on pourra alors sans cesse avancer vers notre but, et trouver les mots et les manières de faire pour témoigner de la beauté et de la vérité de ces réalités.

Les anges sont le monde des Idées. Cela laisse entrevoir que cela est vrai non seulement pour nous, mais aussi pour eux. Les anges n’ont pas d’idées en eux, mais leur idées, ce sont les autres anges avec lesquelles ils entrent en relation. Ils pensent en se plongeant dans les autres anges, comme nous nous plongeons dans nos concepts pour penser. Et il y a fort à parier qu’ils pensent les choses de notre monde en regardant nos concepts à nous dans nos intelligences ; et que nous-mêmes pensons certaines choses, non seulement en regardant les anges, mais aussi en regardant des concepts dans les autres intelligences humaines et non seulement dans la nôtre.

Les relations avec les anges

Les anges sont des êtres à aimer, ils font partie de la société des personnes. Les ignorer, c’est manquer aux exigences de l’amour. Si l’on ne parle jamais aux personnes avec lesquelles on partage nos vies et nos existences, on ne peut arriver à garder l’unité de nos vies et du monde.

Les anges sont là pour nous guider, nous aider. Ne pas leur parler et compter sur eux, c’est manquer des aides précieuses. Selon Denys l’Aéropagite, ils purifient, illuminent et parfaient ; ils sont donc importants pour cheminer sur cette Terre, pour notre propre progression et celle de toutes les réalités du monde.

Ils gardent les ordres du monde : l’ordre de mon corps qui pourrait partir dans la corruption, l’ordre de nos communautés, de nos familles, de nos pays, l’ordre de la création, de la nature. Ils permettent que nous ayons les bonnes pensées au bon moment ; ils suscitent les rencontres ; ils préparent les évènements ; ils guident nos projets. Tout ce qui nous dépasse est sous leur protection. Ils agissent là où certains ne voient que du hasard.

Et nous-même pouvons les aider : en méditant la Bible, en étant créatifs, nous pouvons leur donner des idées pour aider certains de leur protégés. Ils nous écoutent et apprennent de nous, comme nous apprenons d’eux.

Nous pouvons leur ouvrir notre terre, c’est-à-dire tout ce qui dans ce monde est sous notre influence, pour qu’ils puissent y agir. Ils ne peuvent pas agir en ce monde si nous leur fermons la porte (sauf si c’est Dieu qui intervient directement). Et si nous la leur fermons, cela revient à l’ouvrir aux démons.

Saint Paul a dit que nous ne luttions pas contre des ennemis de chair et de sang, mais contre des principautés, contre le monde angélique perverti (Ep 6,12). Le vrai combat est là, entre les anges et les démons, ce que l’on voit dans le monde vit au rythme de ce qui s’y passe. Mais nous avons le pouvoir par la prière et notre engagement d’influer sur ce combat.

Le monde n’est pas fait pour être gouverné uniquement par les hommes, il a besoin des anges, et aussi de Dieu. Le monde doit être gouverné par tous les êtres spirituels ensemble.

Les anges permettent de sortir du repliement sur nous-même, sur des vues seulement humaines, et de nous conduire petit à petit à nous ouvrir à Dieu.

Et Dieu aime les intermédiaires, aime responsabiliser ses créatures : Il se sert des anges et ne fait pas tout directement uniquement par l’Esprit-Saint, même si l’Esprit-Saint est uni à l’action des anges bons. De la même manière qu’il faut des évangélisateurs pour que le monde soit évangélisé, et des gouvernants pour que le monde soit gouvernés, Dieu a donné aux anges des missions pour ce monde. À nous de les accueillir et de leur permettre de les réaliser.

Organisation des anges

La lumière de la Révélation peut nous aider à entrer dans la contemplation du monde des anges afin d’en distinguer les grandes lignes et les divers aspects. Nous allons tâcher maintenant de présenter une certaines vision de ce monde, à partir de certaines traditions ou de diverses intuitions. Même s’il est possible que certains détails de ce qui est présenté ici soient contestables, cela n’enlève rien à la nécessité d’explorer ce monde, de se laisser éclairer par lui et d’entrer en communion avec lui. C’est un monde à découvrir, et pour cela, il faut que des explorateurs s’y aventurent.

On affirme généralement que le monde des anges est organisé en trois hiérarchies de trois chœurs chacune. Voilà un essai de description de ces hiérarchies :

  • La première hiérarchie est entièrement dévolue à la louange de Dieu ; elle glorifie l’être de Dieu. Elle est composée de Séraphins (au nombre de 7), de Chérubins (28 ?) et de Trônes (168 ?). Les nombres viennent des visions du Trône de Dieu dans la Bible et de la liturgie céleste qui s’y déploie (par exemple en Ap 1 avec les sept Esprits, les sept candélabres et les sept étoiles, et en Ap 4 avec les sept lampes, les 4 vivants et les 24 vieillards) et qui laisse supposer que chaque Séraphin est assisté de 4 Chérubins et de 24 Trônes. Les Séraphins glorifient surtout Dieu comme étant Amour, les Chérubins glorifient surtout Dieu comme étant Communauté et les Trônes glorifient surtout Dieu comme étant des Personnes (les diverses facettes de ce que sont les Personnes Divines).

  • La deuxième hiérarchie est dévolue à l’action dans le monde des anges. Les anges qui la composent servent de messagers entre la première et la troisième hiérarchie.  Ce sont les anges que l’on voit monter et descendre l’échelle de Jacob (Gn 28,12). Ils glorifient l’agir de Dieu. On y trouve les Dominations (des milliers ?), les Vertus (des millions ?), et les Puissances (des milliards ?). Les Dominations servent surtout de messagers avec la première hiérarchie, les Vertus de messagers au sein de la deuxième hiérarchie et les Puissances de messagers vers la troisième hiérarchie.

  • La troisième hiérarchie est dévolue à l’action dans le monde des hommes. Elle sert à la glorification de l’agir de Dieu dans le monde créé. Elle est composée de Principautés (des milliers de milliards), d’Archanges (des milliards de milliards) et d’Anges (des myriades de myriades, des millions de milliards de milliards, ie le nombre de planètes dans l’univers ?). Les Principautés veillent sur les grandes communautés (villes, diocèses, pays, monde). Les Archanges sur les petites communautés (paroisse, village, quartier, association, fraternité). Les Anges veillent sur les personnes humaines.

Les sept Séraphins sont les sept esprits de Dieu de la Bible qui glorifient les sept dimensions de l’Amour de Dieu. Chiara Lubich dans son livre sur l’Unité à parler de ces sept dimensions qui pourraient correspondre selon nous aux sept Séraphins : Communion, Rayonnement, Foi, Nature/Santé, Harmonie, Sagesse, Communication. Parmi les Chérubins qui glorifient le fait d’être Communauté, on pourrait trouver ceux qui glorifient l’Unité, la Famille, l’Église, le Monde, la Divinité… Parmi les Trônes qui glorifient les diverses facettes des Personnes, on pourrait trouver la Grâce, la Bonté, la Vie, la Liberté, la Poésie, la Justice, la Miséricorde…

Les anges de chaque chœur sont unis les uns aux autres dans des relations de personnes à personnes, comme on l’est analogiquement au sein de l’humanité. Chaque ange est aussi relié à un ange d’un chœur supérieur, il dépend de lui ; il y ainsi des lignées d’anges au travers des chœurs jusqu’aux hommes. Chaque ange d’un chœur supérieur a ainsi un certain nombre de protégés. Les païens ont l’intuition de cette vérité dans ce qui a donné aujourd’hui les signes astrologiques, qui viennent de cette idée antique que l’on est tous reliés à un dieu particulier, ce qui revient à peu près à dire à un ange particulier des chœurs de la première hiérarchie. Seul Jésus, Marie et Joseph semblent échapper à ce qui est dit ici ; leur vocation universelle les place comme liés à tous les anges. Tous les anges sont leur gardien, de la même manière que tous les anges sont les gardiens d’Israël. Ils ne sont pas d’une lignée particulière d’anges, mais ils sont au début ou au terme de toutes les lignées.

Il y a au sein de chaque chœur des représentations des anges des chœurs supérieurs avec des rotations de fonctions. Par exemple, une Principauté va présider pour un Trône ou un Séraphin durant un temps, puis ce sera le tour d’un autre. De même, un Séraphin préside la liturgie, puis un autre. Un Chérubin préside dans son chœur en représentant le Séraphin, et d’autres l’assistent comme représentants des autres Séraphins, etc. Par exemple, saint Michel, saint Gabriel et saint Raphaël qui sont trois Archanges sont ou ont été des représentants des Séraphins au sein de leur propre chœur ; c’est ce qui fait dire à l’Archange Raphaël : « Je suis Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent toujours prêts à pénétrer auprès de la Gloire du Seigneur. » (Tb 12,15).

Il y a aussi des groupements d’anges sous la protection d’anges supérieurs, avec des circulations, des changements de communautés. Tout cela sert à glorifier de mille manières la Divinité par les diverses associations qui s’établissent entre les mystères des différents anges. Chaque ange exprime quelque chose de Dieu, un attribut de son être ou de son agir, et tous ces mouvements permettent de chanter la gloire de Dieu. La liturgie céleste se déploie par les rencontres et les mouvements des anges par tout ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent. Chaque ange exprime une note particulière, il a vocation à dire quelque chose de particulier sur Dieu ; et cela ne peut bien se faire qu’à l’aide des autres mystères des autres anges, car tous les mystères s’appellent les uns les autres. Ce mouvement de la liturgie céleste se retrouve chez les hommes, dans les mouvements des personnes, des communautés, des pays, et des associations qui sont liés à différents anges et donc à différents mystères de Dieu. Chaque homme et chaque femme portent ainsi un mystère lié à celui de son ange gardien ; un mystère qu’il répand dans le monde par sa vie. Toute la vie humaine est un chant à la gloire de Dieu. Et l’on ne peut vraiment comprendre l’activité humaine et entrer dans son mystère qu’à cette lumière.

Chez les hommes, dans le monde en chemin vers son terme, se superposent deux réalités : une pour l’achèvement du monde, pour sa rédemption, et une pour la glorification de Dieu. En toute choses les deux sont mêlées tant que l’humanité est en chemin. Les anges protecteurs de nos réalités humaines servent donc ces deux choses : la glorification de Dieu et l’achèvement du monde, à savoir l’entrée dans la vie divine.

Il y des anges qui ont reniés Dieu et qui ont brisé ce chant de la liturgie céleste pour se glorifier eux-même. Cela a entraîné un désordre dans le monde, et cela a conduit les diverses communautés à ne plus vivre en harmonie les unes avec les autres. Nous peinons à retrouver ce que Dieu a voulu pour ce monde ; les anges mauvais cherchent à ce que le monde leur ressemble au lieu de parler de Dieu. Mais Dieu s’est incarné pour remédier à cela ; il a répandu son Esprit sur le monde pour que toute chose puisse parvenir à sa destinée ultime. On dit que Satan est le plus grand des Séraphins, il se peut qu’il soit celui de la Communion. Son reniement n’empêche pas cette dimension de l’Amour de Dieu d’être chantée par les créatures, car l’Esprit supplée, mais le Démon va plus particulièrement corrompre et singer cette dimension de l’Amour.

Les anges, le monde et les nations

Continuons maintenant à explorer ce monde des anges en le mettant en lien avec le monde des hommes. Cherchons à en dire quelque chose, même s’il faudrait plus de travail et de temps pour que tout soit bien assuré.

Chaque nation a des anges protecteurs. Chaque nation est là pour refléter la spiritualité d’un ange particulier, et donc un mystère particulier de Dieu. En fait, il s’agit des anges des premiers chœurs, surtout des Trônes (à quelques exceptions près). Cela entraîne des diversités de langues et de culture dans les nations pour parler des diverses spiritualités angéliques. Les rotations et circulations angéliques dans les postes de représentations et entre les communautés angéliques entraînent des variations dans les cultures des différents pays qui vont exprimer différemment les mystères de Dieu au cours de l’histoire. Il est donc tout à fait normal qu’il y ait des circulations de personnes entre les pays pour participer à ces mouvements dans la liturgie céleste, tout en préservant les identités profondes des pays qui correspondent à celles des anges. Il ne faut pas avoir peur de ces mouvements entre les pays, la liturgie céleste est comme cela. Il est aussi tout à fait normal que les langues et les cultures évolues du fait des ces mouvements dans le monde des anges. Il faut trouver sain que des personnes des différentes races et culture se mélangent dans le monde, car tous les mystères de Dieu ont besoin les uns des autres pour exprimer ce qu’ils sont. On l’a dit chaque ange est le reflet d’un mystère particulier de Dieu qui ne se comprend vraiment que dans l’écho de tous les autres mystères.

Les anges s’organisent en chœurs, et chaque ange de chaque chœur porte son propre mystère. Il est donc bon que les communautés humaines s’imbriquent sur plusieurs niveaux. Je dirais 12 niveaux, c’est à dire deux fois le nombre de chœurs des deux premières hiérarchies, une fois 6 pour les Principautés (protecteurs des grandes communautés qui au moins la taille d’une grande ville, d’un département, d’un diocèse), et une fois 6 pour les Archanges (protecteurs des petites communautés). Chaque ange a son mystère, sa personnalité, sa liberté. Il doit en être ainsi de nos communautés, un échelon supérieur ne doit pas s’accaparer ce que peut faire un échelon inférieur.

Il y a une représentation des anges supérieurs au sein d’un chœur angélique, il y a donc des personnes, des communautés, des pays appelés à présider pour un temps sur ce monde. Mais la rotation des fonctions fait que dans la liturgie céleste cela changera, les pays et les personnes passeront les uns après les autres aux diverses présidences. Il ne faut pas croire qu’un homme, un groupe ou un pays a une prestance plus grande que celles des autres ; la prestance que l’on peut voir chez certains, par exemple chez un dirigeant, un penseur ou un pontife, n’est en fait que celle de l’ange qu’il représente dans le monde des hommes ; quand il y aura une rotation de fonctions tous peuvent se retrouver à la même place, au même degré hiérarchique.

Il y a des anges pour l’Église (papauté, diocèses, paroisses, etc.) et des anges pour l’État (gouvernements, nations, mairies, régions, etc.). Cela représente deux directions du monde humain. J’ose penser qu’il y en a deux autres, car cela correspond aux quatre vivants autour du Trône de Dieu, c’est-à-dire aux quatre Chérubins assistant le Séraphin présidant la liturgie. Je pense qu’il y a des anges pour une direction plus intérieure, plus mystérieuse (rayonnement spirituel, sainteté, prière, etc ; on parle bien de l’Église invisible et de l’Église visible, de la chrétienté intérieure et de la chrétienté extérieure). Et je pense qu’il y a des anges pour l’unité du monde et des trois autres directions, pour faire des liens entre ce qui semble s’opposer, et pour que tout soit apporté finalement par le Séraphin dans l’unité au trône de Dieu.

Des rotations de Séraphins à la présidence de la liturgie céleste arrivent périodiquement, cela forme des millénaires mystiques. Je pense qu’il y a eu six millénaires mystiques jusqu’à aujourd’hui, avec une figure particulière pour ouvrir chacun d’eux : Adam, Noé, Abraham, David, Jean-le-Baptiste et saint Bruno. Harmonie, Foi, Nature/Santé, Sagesse, Communication, Rayonnement. Six Séraphins ont présidé jusqu’à aujourd’hui et nous arriverions au septième Séraphin depuis la fondation du monde. Il s’agit certainement du temps du Séraphin de la Communion dont nous avons parlé plus haut. Celui-ci a renié, mais saint Michel qui est un Archange, très certainement de sa lignée, mène le combat pour instaurer ce millénaire, le millénaire de la Communion, le millénaire de la charité, le millénaire de la Civilisation de l’Amour.

Conclusion

Malraux aurait dit : « Le troisième millénaire sera mystique ou ne sera pas ». Je ne crois pas pour ma part que l’on puisse faire l’économie d’une plongée dans le monde des anges si l’on veut permettre à notre monde d’aller dans la bonne direction, si l’on veut vraiment comprendre le projet de Dieu sur notre monde, ce qu’il a voulu pour son organisation. Il faut se laisser fasciner par ce monde, pour en saisir la vie qui s’y déploie, pour entrer dans sa logique.

Les anges peuvent nous sauver, par la grâce de Dieu, de la division et du chaos. Ils peuvent donner de la saveur et du mystère à notre vie en ce monde. Ils peuvent permettre de donner sens à ce que nous vivons ici bas : chanter la gloire de Dieu par tout ce que nous faisons, entrer dans ce chant de louange par toutes nos actions, en portant chacun un mystère, en contemplant le ou les mystères portés par nos communautés. La politique humaine ne pourra arriver à gouverner ce monde que si elle s’accroche à un tel but, et que si elle le fait en union avec le monde qui la dépasse. Ce que le monde a besoin avant toute réforme, c’est d’une vision, c’est d’un projet pour l’humanité. Ce projet, Dieu l’a voulu dès la fondation du monde. Et si l’on perd aujourd’hui toutes les batailles de la vie, de la famille, de la paix et de l’écologie, c’est peut-être que que l’on n’est pas assez entré dans ce projet de Dieu sur le monde.

Cela demande cependant de voir en métaphysique que le monde spirituel existe et que l’on en a besoin pour gouverner le monde, que toute chose est là pour glorifier Dieu et que tout se comprend à sa lumière. Glorifier Dieu, c’est entrer dans la vie même de Dieu. Et cela demande donc de faire le pas de la théologie pour nous fournir l’ordre ultime que Dieu veut pour le monde, car l’on ne comprend vraiment ce monde que par la théologie. Les anges peuvent ainsi être au fondement d’un ordre chrétien du monde. Ils peuvent agir pour nous aider à le fonder et à le gouverner, et la vie qui se déploie chez eux peut permettre de rendre compte de ce qui se passe dans le monde des hommes, nous permettre d’en saisir le mystère pour que toute chose se comprenne finalement en Dieu.

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