Alors que nous sommes à la veille de grands bouleversements de civilisation, il est bon de revenir à la fine pointe de tous les choix qui mènent à la vie ou à la mort. C’est à dire à l’accueil ou au refus de la grâce. La grâce étant Dieu lui-même qui vient vivre en nous.
C’est ainsi que le démon a refusé la grâce de Dieu pour ne plus vivre que pour lui. Il a refusé de faire alliance avec Dieu, de vivre avec lui, de l’aimer par sa grâce. Il a préféré s’enfermer dans ce qu’il était, dans sa nature, pour être éternellement son propre Dieu. C’est ainsi que les anges bons ont accueilli la grâce pour vivre à la mesure de Dieu. C’est ainsi que nos premiers parents, tentés par le diable, se sont coupés de la grâce pour vivre une vie à leur mesure, ou à la mesure de Satan. La mort en fut la conséquence, car sans la grâce, on ne peut pas être immortel. C’est important de le rappeler aujourd’hui.
C’est pour nous redonner la grâce que Dieu s’est incarné en Jésus-Christ, et qu’il est mort sur la Croix pour nous. La grâce, c’est l’Esprit-Saint qui se répand dans nos cœurs, qui nous fait entrer dans une vie qui dépasse tout ce que nous pouvons être ou faire par nous-mêmes. Cela ne supprime pas la nature, mais cela la guérit et la surélève. Cette grâce venue de la Croix s’est répandue sur tous les temps depuis les origines après la chute, jusqu’à l’achèvement de toute chose au Ciel.
Accueillir ou refuser la grâce. Voilà le vrai choix.
Il faut remarquer que notre civilisation a poussé très loin le refus de la grâce. On a évacué le mystère. On a évacué le sens de Dieu. On s’est réduit aux limites de la raison humaine et des capacités humaines. On ne parle plus du monde supérieur des anges et de l’Esprit-Saint. La grâce est toujours à l’œuvre. Mais un voile a été jeté dessus pour nous la cacher.
Cela ne tiendra pas longtemps. Le surnaturel se rappellera à nous tôt ou tard. C’est là qu’il faut remarquer que l’on peut appeler surnaturel l’action de Dieu, accompagné des anges et des saints. Mais on peut aussi appeler surnaturel l’action des anges rebelles, dans le sens où cela dépasse les capacités des personnes humaines. Cela dessine deux chemins : celui de vivre de l’amour de Dieu, avec la grâce de Dieu ; et celui de vivre de la haine des démons, avec la puissance des démons.
Aujourd’hui, nous devons faire front, à juste titre, contre la montée d’un refus de la transcendance, et contre le choix des capacités humaines comme horizon de toute chose. C’est notamment le cas du transhumanisme où les techniques permettent de prendre la place de Dieu. Ce sont des dérives à combattre et à arrêter, car elles prétendent aujourd’hui prendre le pouvoir. Et elles sont dans le refus très affirmé de l’incarnation. C’est ce que nous appelons la tentation occidentaliste.
Mais il ne faut pas se leurrer. Dans les prochaines années, la grâce va se rappeler à nous. Et nous serons occupés par l’affrontement entre d’un côté l’accueil de la grâce divine en Jésus-Christ, et de l’autre l’accueil d’une espèce de grâce non-personnalisante, refusant également l’incarnation, et ne donnant pas sa vraie place à la famille. Ce sera une parodie de la grâce, usant de la force des démons, mais se cachant sous des apparences attirantes. C’est ce que nous appelons la tentation orientaliste. Celle-ci s’appuiera très fortement sur une relecture du monde où le masculin, vu comme la nature à l’état brut, apparaîtra perverti ; et où le féminin, vue comme la manifestation de la grâce, sera à l’honneur pour fonder un monde nouveau.
Pour nous, le masculin comme le féminin ont failli. Il faut relire le livre de la Genèse. Et le masculin et le féminin se sont trouvés restaurés et équilibrés par la vie qui s’est déployée dans la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph.
Pour nous, même s’il faut attendre une manifestation du surnaturel pour nous faire sortir de la tentation occidentaliste, il ne faut pas s’y enfermer au point de perdre l’incarnation, la douceur et la compassion.
Autant la tentation occidentaliste semble dominer le monde aujourd’hui. Autant le vrai enjeu qui va nous occuper dans les prochaines décennies est la tentation orientaliste. Il faut en avoir conscience pour ne pas nous laisser dépasser par les évènements.
C’est donc au choix de l’Incarnation que nous sommes invités, contre la tentation occidentaliste, et plus encore contre la tentation orientaliste. C’est au choix de l’amour dans les petites choses que nous devons œuvrer. Et peu importe d’être beaux, brillants, glorieux ou éloquents, car c’est au final sur l’amour que nous serons jugés.