Pour un autre monde

Quel avenir politique nous attend ?

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Aujourd’hui, le monde se trouve face à un phénomène étrange appelé la globalisation. C’est comme si le monde entier devenait un même village où l’on peut se promener partout comme si l’on était chez soi. Les mœurs et les coutumes particulières sont petit à petit abandonnées ; ou plutôt, elles sont de plus en plus vues comme des expressions locales d’une même culture globale. Tout n’est qu’affaire de traduction. Et les gens vont et viennent dans ce monde. Ils ne sont plus de quelque part, ils sont de partout. Ils sont nés quelque part certes, mais ils font tous partis de ce grand village, de cette communauté mondiale dans laquelle nous sommes tous reliés par nos systèmes économiques, par nos avions, par notre internet, par nos téléphones et par nos télévisions. Une espèce de gouvernance mondiale semble en germe qui viendra gouverner ce village dans lequel nous avons enfin l’impression d’être devenu civilisé.

Ce monde a un ennemi désigné : c’est l’islamisme, et au travers de lui tous les fanatismes. Il voit dans les dérives de l’Islam que son monde à lui est bien supérieur. Il pense en regardant ces horreurs qu’il lui faut propager son idéal pour que tous en participent. Il se fait le champion de la défense des droits humains. Il décide de ce que sont ces droits, parce qu’au point d’avancement où il est parvenu il est en mesure de savoir le monde qu’il veut construire.

Ce monde n’a pas de Dieu, parce que lorsque l’on s’occupe des affaires du monde des hommes, l’on n’a pas besoin de Dieu. Et chaque fois qu’un Dieu quelconque chercherait à lui dire ce qu’il devrait faire, ou lui exprimer que sur certains points il se trompe, il lui répond que ce n’est pas son affaire et qu’il peut retourner dans ses sphères célestes d’où il n’aurait jamais dû descendre.

Ce monde s’inquiète parfois d’écologie, parce que l’écologie, c’est important. Il ne faut pas se suicider quand même. Il cherche des moyens pour sauver la planète, mais il n’en trouve pas. L’épée de Damoclès pèse sur sa tête, puisse-t-elle tomber dans suffisamment longtemps pour que cette génération soit passée.

Ce monde n’a pas de Dieu, mais en fait il a un maître : c’est l’argent. Ceux qui le composent prennent beaucoup de décisions pour l’argent : pour choisir leur métier, pour choisir leur projet, pour choisir leur carrière, pour placer leur argent, pour mettre en place des plateformes de trading, pour gouverner leur entreprise, pour faire leur course au moins cher. Ce qui emporte la décision est très souvent l’argent. Tout le monde fait comme cela, il n’y a pas de raison de changer. Et les hommes agissent dans leurs entreprises pour la rentabilité. Et les actions sont vendues au plus offrant qui les revendent dès qu’ils peuvent en tirer de l’argent. Et tout devient monnayable, sujet à spéculation : les dettes, les taux de change, les forces de production, la santé des gens, le ventre des femmes. L’argent, l’argent, l’argent. Pourquoi serais-je professeur ou plombier si comme ingénieur ou trader je gagne cinq à dix fois plus ? Pourquoi irais-je m’installer à la campagne, si à la ville je peux avoir des métiers beaucoup plus rémunérés ? Pourquoi refuserais-je ce nouveau poste qui me prend du temps sur ma famille si j’ai un salaire qui augmente ? Pourquoi demanderais-je un temps partiel pour m’adonner aux projets dont je rêve depuis longtemps puisque mon salaire sera réduit d’autant ? Pourquoi ne quitterais-je pas mon village natal devant ce que me fait miroiter un travail en ville ?

C’est l’argent, qui apporte avec lui son lot d’honneur et de plaisir, qui gouverne ce monde. Le modèle de vie que l’on contemple, c’est celui d’un cadre dynamique en pleine possession de son intelligence et de sa santé, ayant un poste à responsabilité et possédant suffisamment d’argent pour s’assurer des bons voyages, et tous les petits plaisirs que peut offrir la vie : cinéma, télévision, ordinateur, console de jeux, sports en tout genre. Un cadre qui séduit par son corps ou son argent pour s’offrir aussi les plaisirs de la chair dont il serait dommage de ne pas profiter. Peu importe que l’on travaille dans la santé, dans l’ingénierie, dans le social, dans la politique, dans la finance, chez les pompiers ou dans les métiers du bâtiment, ce qui importe, c’est d’avoir un petit quelque chose de cette humanité idéale et idéalisée.

Mais ce monde n’est qu’une illusion. Il a mis à sa porte l’essentiel de notre humanité. Il est parti dans un universalisme abstrait au lieu de chercher l’universalisme enraciné et incarné de notre humanité. Et fondamentalement, il a oublié l’amour et l’humilité. Il a devant sa porte des misères sans nombre qui ne font qu’augmenter, des misères entretenues par ses propres manières de faire. Mais il ne veut pas se réformer. Il ne semble y avoir rien qui puisse vraiment le réformer car il semble enfermé dans une sorte de technocratie qui ne semble pas en mesure de changer de paradigme.

Nous sommes là devant un échec de l’humanité. C’est comme si le Satan, le prince de ce monde, donnait aujourd’hui la pleine mesure de sa perversion et nous conduisait tranquillement vers l’abîme. Il nous fait perdre le sens de la vie. Il nous fait perdre le sens de la famille. Il nous fait perdre le sens de la communauté de proximité, des villages et des quartiers où l’on se rencontre, où l’on célèbre, où l’on échange. Il nous fait perdre le sens de la charité qui met l’amour en premier. Il nous fait perdre le sens de la matière avec ses puissances de vies végétales et animales pour nous mener vers un monde froid et lugubre. Il nous éloigne de nos parents et de nos aînés, pour les laisser mourir seuls dans des lieux où l’on ne les visite que très rarement. Il appauvrit notre langage et notre culture pour nous empêcher de parler simplement des choses essentielles de la vie, et d’en vivre tous les mystères au travers des multiples réalités de ce monde.

Il y a un nouveau projet d’humanité à avoir qui doit mettre au centre l’amour et la relation. Cet amour que l’on contemple en Dieu qui est Amour, qui est Communauté de Personnes, qui est Trinité. Et l’on doit chercher avant tout cet amour, l’on doit chercher à vivre des dons réciproques entre personnes. Un amour qui se rend visible dans le couple homme-femme d’où naissent les enfants. On doit contempler ce mystère d’amour et vouloir le reproduire en tout lieu, le faire vivre partout. Un amour qui se vit dans des communautés de proximité, comme celui du village ou du quartier. Là, il nous faut échanger, partager, nous retrouver, célébrer. Il faut s’engager pour faire vivre la culture, comme étant cet agir dans son environnement pour y déployer la vie, et comme étant l’usage de multiples moyens pour dialoguer entre nous au sujet des réalités du monde, qu’elles soient spirituelles ou matérielles. Il faut reprendre le pouvoir sur ce que nous sommes en mesure de faire par nous-mêmes sans qu’un échelon supérieur intervienne. Il nous faut réinvestir les campagnes qui ont été délaissées. Il faut abandonner ce système de la finance devenu fou pour aller vers un système qui refusera de soumettre toutes nos réalités au seul profit. Il faut s’engager dans le monde de l’éducation et de la transmission pour donner aux générations futures ce goût d’un autre monde et les moyens pour le construire. C’est un programme politique à mener. C’est une direction à prendre, chacun de là où nous sommes.

C’est aussi une mystique à avoir pour comprendre le sens ultime de toute cette aventure humaine. Sans cette mystique, on ne pourra apaiser le cœur de l’homme, on ne pourra vraiment concevoir l’ordre du monde. Cette mystique doit passer par une contemplation du monde des anges qui nous révèlent la vocation de nos associations, de nos pays et de nos continents. C’est par eux, par leur mystère propre qui se révèle dans ces communautés, que l’on pourra vraiment entrer dans le mystère de l’unité dans la diversité, celui qui fait qu’il y a diverses cultures qui ne sont pas interchangeables. L’on pourra aussi y saisir notre place dans l’univers, et y voir le sens des responsabilités vécues comme un service et non comme une gloire du fait de la rotation des fonctions dans la liturgie céleste. C’est en même temps grâce à eux que nous pouvons comprendre vraiment la distinction des pouvoirs religieux et temporels, ainsi que l’existence d’une dimension plus intérieure des choses et d’une union de tout cela dans l’unité autour de Dieu. L’on y verra que nos communautés naturelles correspondent à divers anges de diverses hiérarchies, et qu’il y a des échelons plus importants. C’est le cas des pays et des quartiers, paroisses ou villages, car ils correspondent aux Trônes et ont donc une unité plus grande, car c’est là l’aboutissement de la première hiérarchie angélique, l’un au sein des représentations chez les Principautés, l’autre chez les Archanges. L’on verra aussi les départements et les diocèses comme à la jonction entre les Principautés et les Archanges et qu’ils ont donc un rôle plus particulier à jouer.

C’est un monde de Dieu à construire, une nouvelle chrétienté. Mais il faut faire attention à le construire vraiment avec Dieu et par Dieu, car il n’y aurait rien de pire que de bâtir un monde voué à Dieu contre Dieu. Ce serait alors un monde satanique, où Satan serait Dieu, non plus d’une manière cachée comme aujourd’hui, mais directement. Satan ne veut pas se contenter d’être appelé Argent ni même Satan, il veut qu’on l’appelle Dieu. Il veut même être appelé Trinité. Ce qui nous sauvera de cela, c’est Dieu seul. C’est la confiance et rien que la confiance qui nous conduira à l’amour, disait la Petite Thérèse. Dieu a placé de multiples moyens pour nous aider sur le chemin : l’Eucharistie, sa Mère, l’infaillibilité pontificale. Il y a aussi sa Parole dans les Écritures, l’Esprit-Saint, les frères et sœurs, l’attachement à ce qui fait notre humanité, le service des pauvres. Il y a la manière dont Il nous parle au fond de notre cœur, Il veut nous guider, à nous de nous abandonner à sa Volonté pour être vraiment libres. Et il y a la Croix, l’amour de la Croix, l’union à Jésus dans l’oubli de toute récompense, de tout ce qui pourrait nous placer au-dessus des autres, en ce monde ou dans l’autre, pour porter du fruit dans les cœurs.

Ce monde va passer par la Croix. C’est une certitude. Et au-delà de la Croix, c’est un monde nouveau qui va naître. C’est un monde à préparer ; il faut en prendre le chemin, et s’attacher à la Croix qui est désormais l’Arche de Noé. Dieu a épousé l’Église sur la Croix, c’est donc là que se joue notre salut. Dieu veut nous guider au plus intime de nos cœurs, à nous de l’écouter. Ô Esprit du Dieu vivant, faites que ce monde de la Civilisation de l’Amour arrive.

Dans la première chrétienté, le modèle de sainteté était celui qui enseignait les autres, qui les entraînait dans ses œuvres. Par la suite, il devint celui qui méditait dans sa solitude et préparait le monde de demain. Aujourd’hui, le modèle dont le monde a besoin, c’est celui qui dialogue en tête-à-tête ou en petite fraternité. Celui qui se fait le frère de tous, qui se fait l’égal de tous, sans se penser en quoi que ce soit supérieur aux autres. Certes, nous avons chacun un mystère propre à révéler au monde, nous sommes peut-être appelés parfois pour un temps à un poste hiérarchique. Mais tout cela est le propre de tous dans le Royaume de Dieu ; en cela, nous sommes tous égaux. Ce dont le monde a besoin, c’est que l’on vive en enfants de Dieu et en frères et sœurs. Et si l’on se retrouve pasteurs d’âmes, soyons conscients que l’objectif dans l’achèvement du monde est que nous soyons tous frères et sœurs, que nous soyons tous égaux.

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