L’Enfant-Dieu

Francisco de Zurbarán,
Une Vierge à l’Enfant

Au cœur de nos vies vient naître l’Enfant-Dieu… C’est le mystère que nous allons fêter bientôt à Noël. Dieu est né à Bethléem, mais il veut surtout naître aujourd’hui dans nos cœurs. Un mystique allemand du 17ème siècle, Angelius Silesisus, disait : « Christ pourrait être né mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas en ton cœur aujourd’hui, c’est en vain qu’il est né. »

Car c’est un grand mystère : le Dieu très grand, le Très Haut Seigneur, s’est fait petit enfant en Jésus-Christ. Et ce grand Jésus-Christ, qui vient récapituler toute chose en lui, se fait petit enfant dans nos bras, dans nos cœurs, dans nos corps, dans nos âmes. Il vient naître en nous, dans sa chair, dans notre chair.

Quand on regarde le christianisme, toute sa mystique, toute son ascèse, toute sa théologie, tous ses chemins et ses détours, qui nous conduisent vers la perfection divine, il faut faire attention dans nos mouvements de conversion à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le bébé, en l’occurrence, c’est Jésus fait chair. Sans lui, le christianisme, qui est une bonne nouvelle, risque de se transformer très vite en mauvaise nouvelle.

Saint Jean nous dit que les ennemis de Dieu sont ceux qui ne confessent pas que Jésus soit venu dans la chair (2 Jn 1, 7). Jésus, qui est Dieu, est venu dans la chair. Il a pris chair, et il vient jusque dans notre chair comme un enfant. C’est un grand mystère.

Ce mystère est un scandale pour les juifs et une folie pour les païens (1 Co 1, 23).

L’Époux est là, il se tient à la porte. Il veut naître en nous pour refaire toute chose nouvelle, et sceller ce monde dans l’unité par sa présence charnelle en chacun de nous. C’est sa manière de guérir et surélever notre humanité. C’est ainsi que l’Esprit de Dieu se répand sur nous, déployant toute sa vitalité pour renouveler le monde.

Le premier millénaire chrétien était platonisant : il avait tendance à chercher Dieu au-delà du monde. Le deuxième millénaire chrétien était aristotélisant : il avait tendance à regarder les œuvres de Dieu dans le monde. Le troisième millénaire chrétien sera unifiant : il saura vivre des noces avec Dieu, et trouver dans cette Alliance l’unité profonde entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. Car Dieu s’est fait chair. « Car la vie s’est manifestée : nous l’avons vu et nous en rendons témoignage » (1 Jn 1, 2).

La Vierge Marie est fille du Père, mère du Fils et épouse de l’Esprit-Saint. Elle a accueilli l’Enfant-Dieu dans son sein, dans ses entrailles. Elle lui a donné toute la place en elle ; elle lui a ménagé une place pour qu’il puisse s’y reposer, et y déployer son existence. Elle a laissé l’Esprit de Dieu faire irruption en elle pour la féconder, pour que la vie divine habite en elle, corporellement, charnellement, et que cette vie déborde au-delà d’elle sur le monde. Et elle a été ainsi trouvée agréable aux yeux du Père. Elle a par là magnifié le Père, servi sa gloire. À notre tour, et à notre échelle, il faut imiter la Vierge Marie, il faut vivre du même mystère.

Les femmes ont la Vierge Marie comme modèle féminin de l’accueil de l’Enfant-Dieu. Les hommes ont saint Joseph comme modèle masculin de l’accueil de l’Enfant-Dieu. L’on rétorquera peut-être que saint Joseph n’était pas là à la Croix. Mais il n’y a point à douter que celui-ci est l’homme masculin qui a été le plus uni à la Passion et à la Résurrection du Christ, d’une manière que Dieu seul connaît. C’est peut-être d’ailleurs là un enseignement pour nous les hommes que de laisser la première place à l’enfant et à l’épouse, tout en étant fidèlement présent. Toujours est-il que saint Joseph a su accueillir l’Enfant-Dieu, comme la Vierge Marie. Marie et Joseph ont donné au Christ une place chez eux : dans leur maison, dans leur vie, dans leur corps, dans leur âme. Ils ont su vivre des noces avec Dieu en accueillant l’Enfant-Jésus et le don de son Esprit-Saint.

Nous célébrons ce mystère à l’Eucharistie. Nous le célébrons dans la Communion. C’est un mystère d’épousailles. C’est le mystère chrétien. C’est le mystère de la vraie Vie qui nous est donnée en abondance. Et c’est à partir de cette irruption charnelle de la vie divine que toute la vie chrétienne peut se déployer, dans toutes les potentialités de la charité. En dehors de cela, il n’y aura pas de salut pour le monde. Et c’est par ce mystère que tout sera récapitulé en Jésus-Christ, Tête du Corps, Époux de l’Église, Roi de l’univers, pour la plus grande gloire de la Trinité.

Alors, vive l’Enfant-Dieu ! Et vive Noël !

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