Le sexe est-il un accident ?

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Le titre est peut-être un peu accrocheur, mais il s’agit en fait d’une question philosophique dont la réponse revêt une certaine importance. Il se pose la question de savoir si la masculinité et la féminité sont des accidents ou sont d’ordre substantiel. Un accident est ce qui existe dans un autre ; l’accident peut changer dans un être tout en ayant affaire toujours au même être. C’est par exemple la couleur de notre peau. Une substance est ce qui existe en soi, par soi et non pas dans un autre. Pour un être constitué avec une essence, c’est ce qui demeure dans tout changement. La pierre, le chien et l’homme sont des substances aux multiples accidents. Il y a neuf types d’accidents : la quantité, la qualité, la relation, le temps, le lieu, la possession, la situation, l’action et la passion.

La nature humaine n’est ni masculine, ni féminine, même si elle permet l’un ou l’autre. On pourrait se dire alors que la masculinité et la féminité sont d’ordre accidentel et non pas une caractéristique substantielle. On pourrait finalement changer de sexe. C’est ce que soutiennent certaines personnes. Soit radicalement ; soit en disant cependant que c’est un accident trop fondamental pour qu’on puisse en fait vraiment en changer.

Pour répondre à la question que nous posons, il faut voir que la masculinité et la féminité relève de l’âme humaine. On n’est pas seulement homme ou femme par notre matière, mais jusqu’au bout de notre être et jusqu’à la fine pointe de notre spiritualité. On peut voir cela dans notre article Le Don et la Vie ou dans notre document Hommes et Femmes dans le plan de Dieu. Or, l’âme humaine est la forme substantielle de notre corps. Chez l’homme, à la différence des êtres purement sensibles, la forme substantielle n’est pas seulement l’essence, mais c’est son âme humaine.

Ainsi, dans le couple substance/accident utilisé dans le monde sensible, la masculinité et la féminité relèvent de la substance, car elles relèvent de l’âme qui est la forme substantielle. Elles ne relèvent pas des accidents, même si des signes et des effets de la masculinité et de la féminité se retrouvent chez eux.

Chez les animaux, il en va autrement, car les caractéristiques mâles et femelles sont purement matérielles. On pourrait croire cette fois-ci que ces caractéristiques sont bien accidentelles, car l’essence d’une espèce contient les deux. Et qu’en présence d’un animal donné, la substance peut demeurer en changeant son sexe. La nature de cet animal demeurerait, mais son sexe changerait.

Pourtant, c’est encore un peu plus complexe. Il faut voir, comme nous l’avons dit dans notre document La composition des essences, que c’est toujours selon une essence donnée que nous considérons une substance déterminée dans le monde matériel. C’est selon l’essence de chien que je considère la substance du chien qui est devant moi et dont la forme substantielle est cette essence de chien. Disons par exemple que nous avons devant nous une femelle labrador. Je peux aussi considérer ce chien selon l’essence du labrador, et je verrais alors une substance de labrador avec une forme substantielle de labrador. Et je peux aussi considérer ce chien selon l’essence d’une femelle canine. Et je verrais alors une substance de femelle canine avec une forme substantielle de femelle canine. Il n’y a pas qu’une seule manière de considérer un être matériel présent devant moi.

Ainsi, selon l’essence de chien ou de labrador, la caractéristique de femelle est accidentelle. Elle peut disparaître tout en ayant toujours ce chien ou ce labrador. Cela n’arrive guère en général pour cette espèce, mais cela arrive dans d’autres espèces du monde animal. Mais par contre, selon l’essence de femelle canine, la caractéristique de femelle est substantielle. Elle ne peut disparaître sans que l’on n’ait plus une femelle canine. Cela ressemble à une lapalissade, mais c’est là la logique du monde purement sensible : les essences se composent avec la matière d’une manière symphonique, même s’il se fait des foyers d’unité où un même être peut être vu sous l’angle de plusieurs essences.

Ainsi, la caractéristique de mâle ou de femelle est accidentelle pour un animal donné considéré sous l’angle de l’essence de son espèce. Mais le terme accidentel n’est pas à considérer au sens des neuf accidents cités plus haut, mais au sens du côté accidentel que cet animal donné soit considéré comme une substance mâle ou une substance femelle. Il est accidentel qu’un mouton soit une brebis ou un bouc, mais le fait d’être une brebis ou un bouc est une forme substantielle. En fait, il faut apporter une distinction dans ce que l’on appelle la forme accidentelle : il y a d’un côté les neuf accidents, et de l’autre les autres formes substantielles, ou essences, selon lesquelles on peut considérer cette substance donnée. Ainsi, l’animal qui un jour est chenille et un jour papillon a changé de la forme substantielle de chenille à celle de papillon, tout en gardant la même forme substantielle d’animalité. Ou encore, le chêne passe de la forme substantielle de gland à celle d’arbre tout en restant un chêne.

C’est là la logique du monde purement sensible. Mais cette logique ne fonctionne pas pour les hommes et les femmes, car leur acte d’être est nécessairement défini par l’acte d’être spirituel de leur âme qui transcende la matière, qui est au-delà de l’acte d’être de la matière. On ne peut chez eux définir une substance que selon leur âme spirituelle. On ne peut les considérer que selon la substance qui a pour forme substantielle leur âme immatérielle. Tout changement dans la matière ne peut altérer le côté masculin ou féminin de leur être.

Considérons maintenant le monde spirituel. Nous pouvons aussi y parler de substance et d’accident, mais d’une manière différente que pour le sensible, car ce monde n’est pas fait de composition avec la matière.

Une substance spirituelle est un être spirituel qui ne peut changer que par accroissement d’être. Tout être spirituel est ainsi. Tout être spirituel est substantiel. Même les êtres de nos intelligences que sont les relations et les concepts font partie de notre substance. Nos vertus humaines aussi.

Un accident spirituel est ce qui peut arriver à nos êtres spirituels, venir et disparaître. Ce sont les relations qui s’établissent entre les êtres spirituels. Ils n’ajoutent rien entitativement à la constitution des êtres spirituels, si ce n’est la présence et l’agir d’un autre être spirituel. Nous pouvons ainsi entrer en relation, nous unir dans la vie, avec les êtres des autres, mais aussi avec notre propre être. Il faut pour cela une relation interne en nous, un être de relation dans notre être spirituel, qui permet d’établir cette relation dont nous parlons. Nous avons ainsi une multitude d’êtres de relation en nous pour nous ouvrir à tous les êtres.

Tous les accidents spirituels doivent être vus sous l’angle de la relation. C’est ainsi, par des relations, que se fait l’union spirituelle, la pensée spirituelle, le temps spirituel, la présence spirituelle dans des lieux, les affections spirituelles telles que la joie, la peine, la paix, la déréliction, etc. C’est ainsi que se fait par des relations la présence de Dieu : la grâce est une union à Dieu qui sans augmenter notre être spirituel change sa manière d’être et d’agir. Cela change la qualité de notre être par la relation. Bien sûr la présence de Dieu peut être l’occasion d’un accroissement d’être, comme c’est souvent le cas sur la terre quand sont données par exemple les vertus infuses, mais cela n’est pas nécessaire, et ce ne sera pas le cas au paradis quand tout sera achevé. On peut perdre la grâce, car celle-ci est présence agissante de l’Esprit-Saint, et l’Esprit-Saint peut se retirer. Mais on ne peut perdre un concept de notre intelligence ou une vertu naturelle acquise, car notre âme spirituelle ne peut changer que par accroissement d’être. Cependant, il nous est possible de fuir toute relation et tout usage de ce concept ou de cette vertu, c’est le cas d’un vice.

La masculinité et la féminité ne sont pas des accidents spirituels. Elles ne sont pas seulement présence d’un autre être. Elles sont des relations internes à notre être. Ce sont des êtres relationnels de notre substance qui nous permettent d’entrer sous un certain mode en relation avec les autres êtres spirituels. Ce sont des relations fondamentales, car elles déterminent toutes nos manières d’entrer en relation. On ne peut les perdre ou les changer : on ne peut que grandir davantage dans notre manière de vivre la masculinité ou la féminité.

Ainsi la masculinité et la féminité font partie de notre âme spirituelle, de notre substance au sens qu’on lui donne dans le sensible, et de notre substance au sens qu’on lui donne dans le monde spirituel.

Mais font-elles partie de notre essence ? La nature humaine n’est pas masculine ou féminine, mais demande que l’on soit l’un ou l’autre. Et cette nature humaine est commune aux hommes et aux femmes. Mais l’essence d’un être humain considéré est en fait toutes les caractéristiques de son âme spirituelle qui le définisse comme cet être spirituel-là et qui ne peut être épuisé par un seul concept. Ce n’est que dans le monde purement sensible qu’un seul concept permet de déterminer une essence. Pour l’homme, il faut celui de nature humaine, de masculinité ou de féminité, auquel s’ajoute son mystère propre qui est en fait celui partagé avec son ange gardien. L’essence d’un homme est d’être une personne humaine masculine protégée par tel ange. L’essence d’une femme est d’être une personne humaine féminine protégée par tel ange. Et dans cet ange protecteur, il faut y voir le mystère propre à chacun, sa manière particulière d’aimer, sa manière particulière d’entrer dans le mystère de la vie et de l’amour.

Chez les anges, cela est également vrai. Il y a l’ange de la paix. Son essence est d’être l’ange de la paix. Il faut deux idées angéliques pour cela : ange et paix. La nature angélique et le mystère propre. C’est ce qui détermine l’essence d’un ange. Pour mieux comprendre ce que nous affirmons ici sur les anges, en particulier sur les idées angéliques, vous pouvez consulter notre document : Le service des anges.

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