Mais qui est ma source ?

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« Car auprès de toi est la source de la vie » Ps 36,9.

Dieu le Père est la source de toute chose. De lui procède le Fils et l’Esprit-Saint. De Lui vient toute chose, et à Lui retourne toute chose. Le Fils procède comme Verbe de l’intelligence, et l’Esprit-Saint comme Amour de la volonté (STA Ia q.45 a.7). Autrement dit, ce qui suscite l’engendrement du Fils, c’est de dire le Père, c’est de chanter ce qu’Il est, c’est de Le glorifier. Et l’Esprit-Saint, c’est celui qui jaillit de cet échange d’amour entre le Père et le Fils, qui jaillit de ce chant, dans ce chant, pour y entrer à son tour, pour s’inscrire dans l’amour du Père et du Fils. Il procède par le Fils, car il s’inscrit dans la glorification du Père opérée par le Fils. S’il ne procédait que du Père, et non aussi du Fils, il ne serait pas ordonné à la glorification du Père comme l’est le Fils ; le Fils est celui qui est là pour glorifier le Père. Toute chose est pour la gloire de Dieu ; toute chose est faite pour s’inscrire dans cet acte de glorification interne à Dieu qui est ce chant du Fils envers le Père dans l’Esprit. Toute chose a donc comme fin ultime de glorifier le Père. Glorifier la Trinité n’est en fait pas autre chose que d’entrer dans ces relations interpersonnelles constituées pour la gloire du Père.

La glorification du Père est la raison première de la distinction des personnes. Le Fils et l’Esprit-Saint glorifient le Père en étant en eux-même ce qu’est le Père excepté le fait d’être Père. Mais tous les trois sont des Personnes, et il y a donc une surabondance qui fait que cette glorification du Père aboutit sur un amour trinitaire où chacun chante les louanges de l’autre et glorifie l’autre dans un amour réciproque. Et finalement, chaque Personne divine reçoit même gloire et même adoration. Ce qui a pour finalité la gloire du Père s’achève en fait dans la gloire des Trois Personnes.

Mais, moi, petite créature, quelle est donc ma source ? Est-ce le Père, puisqu’il est la source de toute chose ? Il l’est, c’est certain, puisque tout vient de lui. Mais est-il celui qui me tient lieu de source quand je regarde le fond de mon âme ?

Thomas d’Aquin dit (toujours en STA Ia q.45 a.7) que, dans tous les êtres, l’on retrouve des vestiges de ce qu’est la Trinité. En tant qu’êtres subsistants, nous manifestons le Père ; en tant qu’ayant une certaine forme nous manifestons le Fils ; et en tant qu’entrant en relation avec les autres créatures, nous manifestons l’Esprit-Saint. Il dit aussi que chez les êtres doués d’intelligence et de volonté, leur intelligence manifeste le Fils et leur volonté l’Esprit-Saint ; et le Père est manifesté par l’être d’où tout cela provient. Cela semblerait dire qu’au fond de mon être il y a bien le Père.

En fait, tout cela, c’est trouver des analogies de proportionnalité entre la Trinité et ce que je suis. Cela me permet de mieux comprendre la Trinité, et de mieux me comprendre. Mais cela ne dit pas les relations qui s’installent entre les Personnes divines et les personnes créées quand on les considère dans leur qualité de personne. Quelle est la Personne divine que je trouve quand je regarde au fond de mon être, à son origine, au lieu d’où jaillit la vie qui se déploie dans mon existence ?

Jésus a dit : « Personne ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14,6). L’on ne peut trouver le Père sans passer d’abord par le Fils. Le lieu où je trouve Dieu, c’est les sacrements, c’est l’eucharistie, et là je rencontre le Dieu incarné qui est d’abord le Fils.

Ma source, c’est le Fils. C’est Lui qui suscite le mouvement de vie qui vient ensuite se répandre dans mes pensées, mes paroles et mes actes. C’est Lui qui fait de moi une louange au Père dans l’Esprit.

Le Père n’est ma source que d’une manière indirecte, comme étant celui d’où vient le Fils. Il en est ainsi en Jésus : la source de son humanité, c’est le Fils, c’est Lui qui porte la nature humaine, c’est lui qui parle au « je ». Le Père est le modèle que cherche à réaliser le Fils, c’est celui vers lequel il tend, celui vers lequel il va pour le glorifier. L’Esprit, c’est celui qui accompagne ce déploiement de vie, qui agit en tout cela.

La source de l’humanité, c’est le Fils. Nous venons du Père par le Fils ; et nous allons au Père par le Fils dans l’Esprit-Saint.

Si la source de notre humanité était directement le Père, alors nous nous inscririons dans le mouvement d’engendrement du Fils. Cela reviendrait finalement à agir pour notre propre gloire. C’est en fait ce que font Satan et ses serviteurs qui ont refusé l’incarnation du Verbe, qui ont refusé d’y trouver leur source. Ils ont voulu être Dieu le Père directement, sans cet intermédiaire. Ils ont voulu être la source de toute chose et ils ont voulu que toute chose chante leur propre louange.

Si la source de l’humanité est le Fils, alors nous nous inscrivons dans le mouvement de glorification du Père. Nous agissons pour sa gloire. Nous partons de la petitesse où est descendu le Fils, nous partons de sa dépendance au Père, et nous l’accompagnons dans son mouvement vers le Père.

Il y a là deux chemins. Un chemin de grandeur et d’auto-contemplation. Et un chemin d’humilité et d’amour. Ce sont les pompes du monde des ténèbres, ou l’abaissement de la Crèche. C’est l’obscurité d’un esprit replié sur lui-même ; ou c’est la lumière de l’incarnation, la gloire de la chair.

Beaucoup malheureusement se sont trompés de chemin et ont fini par vouloir être Dieu le Père. Pour nous, posons le choix d’accueillir en nous la vie du Fils pour glorifier le Père. Entrons dans les relations trinitaires, et glorifions toute la Trinité par notre vie de chaque jour. Le Christ vient à nous comme un Enfant, comme une hostie. Que son irruption au cœur de nos vies soit la source qui fonde nos existences.

Pour finir, citons un passage de Saint Augustin dans La Cité de Dieu : « Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le Seigneur. L’une demande sa gloire aux hommes ; pour l’autre, Dieu témoin de sa conscience est sa plus grande gloire. L’une dans sa gloire dresse la tête ; l’autre dit à son Dieu : « Tu es ma gloire et tu élèves ma tête. » (Ps 3, 4). L’une, dans ses chefs ou dans les nations qu’elle subjugue, est dominée par la passion de dominer ; dans l’autre on se rend mutuellement service par charité, les chefs en dirigeant, les sujets en obéissant. L’une en ses maîtres, aime sa propre force ; l’autre dit à son Dieu : « Je t’aimerai, Seigneur, toi ma force » (Ps 17, 2). »

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