Pour certains chrétiens, partir pour le Ciel, à la suite de Jésus et de Marie, c’est partir pour un lieu lointain, inaccessible, où la matière, si elle existe encore, ou si on la retrouve un jour, est toute spirituelle. Tellement spirituelle qu’elle semble avoir presque disparu. Et tout ce que l’on fera là-haut sera de louer et d’adorer le Seigneur, à genoux devant lui ; le reste étant désormais d’un autre temps.
Sans vouloir offusquer personne, si ce n’est les démons et autres ennemis de Dieu, cette conception est toute emprunte de manichéisme et autres spiritualités cathares. En réalité, le Ciel est plein de matière, de cette matière que l’on connaît. Le Ciel se situe dans notre ciel, dans notre cosmos, dans notre univers. Et si celui-ci paraît si grand, c’est justement que l’on aura le Ciel pour visiter le ciel. Le lieu physique où se situe le Ciel, c’est notre univers. Dieu n’a pas mis de la matière en dehors de la matière. Dieu ne nous a pas mis dans cet univers pour nous mener ensuite dans un autre. Certes, au Ciel, nous sommes dans la contemplation de l’essence divine et des espèces angéliques. Mais cette plongée dans le monde d’en haut ne nous fait pas quitter le monde physique que nous habitons. Là, la spiritualité s’y déploie dans la matière de mille manières pour la faire resplendir de la gloire de Dieu. Quand après la résurrection finale tous les morts auront retrouvé leur corps, ce qui sera vécu dans les profondeurs de l’âme se manifestera dans toute la matière du cosmos. L’humanité habitera le cosmos tout entier et, avec l’aide des anges et de Dieu, le rendra resplendissant des merveilles de la spiritualité.
Quand le Christ est parti pour le Ciel dans son ascension, il est entré dans la gloire de Dieu, il a pris la stature du Ciel. Quand la Vierge Marie, et tous ceux qui ont fait une assomption, comme saint Joseph si l’on suit l’avis de saint François de Sales, ou Élie et Énoch si l’on suit la tradition juive, sont partis pour le Ciel, c’est qu’ils sont entrés dans la contemplation de Dieu et des anges, et qu’ils ont pris dans leur corps et leur âme la stature qu’il leur appartient d’avoir pour l’éternité. Mais leurs corps, finalement, n’ont pas quitté notre univers.
En fait, il y a fort à parier que Jésus et Marie (et Joseph s’il est déjà ressuscité) soient encore dans leurs corps sur la Terre, au plus près de l’humanité en chemin. Et le grand miracle n’est pas tant les quelques fois où nous les avons aperçus, mais plutôt qu’ils nous sont cachés, que nos yeux ne les voient pas, alors qu’ils sont faits de matière. D’autant que Jésus, à la différence des autres membres de l’humanité, car Il est Dieu, est capable d’être présents en de multiples endroits en même temps. Il est là, dans nos maisons, dans nos entreprises, dans nos Églises, sur nos places, dans nos campagnes, dans nos montagnes. Il est là, avec nous, tout le temps, en particulier là il y a des chrétiens en état de grâce. Il habite nos cœurs, non pas seulement spirituellement, mais réellement, en étant présent avec son Corps à nos côtés, et partout là où se porte notre cœur. Bien sûr, il est là avec certitude dans l’Hostie et dans le Vin consacrés, et là nous pouvons en le mangeant nous unir à Lui jusqu’à l’intime. Mais en le regardant dans l’Hostie, nous pouvons nous habituer à sa divine Présence qui ne nous quitte jamais si nous sommes fidèles. Et je parle là d’une présence réelle, corporelle, même si nos yeux ne le voient pas. « Ils ont des yeux et ne voient point, Ils ont des oreilles et n’entendent point. » (Jr 5,21).
« Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20). Le Christ est là. Son retour dans la gloire ne sera pas tant de revenir d’un lieu lointain, d’une hauteur céleste ; mais ce sera plutôt une ouverture progressive de nos yeux à sa Présence qui ne nous a pas quittés, ce sera une plongée dans le Ciel qui est déjà là. Ce retour conduira à l’irruption des choses du Ciel dans notre monde, chassant les ténèbres, et conduisant à l’anéantissement du mal et à l’achèvement du monde. Combien de temps durera ce retour, cette plongée dans le monde de Dieu ? Un an ? Dix ans ? Mille ans ? Des millions d’années ? Dieu seul le sait, ainsi que ceux à qui Il veut bien le révéler. Ce sera un retour qui connaîtra certainement plusieurs phases, pour que progressivement tout l’univers s’embrase. « Les éléments embrasés seront en fusion » nous dit saint Pierre (2P 3,12). C’est que l’univers tout entier, porté par la spiritualité, ira au-delà de lui-même, de ce qu’il est capable par lui-même, pour refléter la gloire de l’Éternel.
Amen de gloire ! Maranatha, viens Seigneur Jésus !
Un commentaire sur “Mais où est le Ciel ?”