De la participation

Platon-caverne
Image illustrant l’allégorie de la caverne de Platon (République, Livre VII)

Platon prétendait que les êtres participaient des Idées éternelles. Un être est beau car il participe de l’idée du Beau. Cette Beauté est plus grande que lui, l’enveloppe de toute part. Dieu aurait créé le monde en contemplant l’idée du Monde. Et l’on voit apparaître le monde des Idées, un monde immense qui dépasse le monde sensible, un monde dans lequel nos esprits sont plongés et où ils contemplent les perfections éternelles. C’est là le monde réel, loin de l’illusion du monde sensible.

Aristote a beaucoup critiqué ce monde des Idées. Il trouvait que la participation platonicienne n’était pas expliquée, que c’était de la poésie. Pour lui, nos idées sont dans nos esprits, ce sont nos concepts que nous abstrayons en regardant le monde sensible. Il a repris le fait qu’elles dépassaient le monde matériel, mais il ne les a pas situées en dehors de nous-même.

Quand je regarde un autre que moi-même, je m’aperçois que c’est une personne comme moi, avec une intelligence et une volonté comme moi, et des concepts comme moi. Mais je découvre qu’il a une manière de se situer dans le monde autre que moi. Il reflète quelque chose de l’amour, de la joie, de la force, de la vie, ou de toute autre perfection, d’une manière particulière, qui me touche, et qui fait qu’il est unique. Et ce qu’il est me fait découvrir quelque chose que je peux vivre aussi à ma manière. Je me découvre user de la joie comme lui, de la force comme lui, de la vie comme lui. Mais cette personne reste pour moi la référence pour se situer de cette manière dans ces perfections, pour apprendre à user ainsi de ces perfections. Je me découvre participant de sa manière propre de se situer dans ces perfections. Et je le découvre comme un reflet particulier du Dieu éternel, comme dépositaire d’une perfection divine. À travers lui, je vois en Dieu cette perfection divine.

Et quand je regarde les autres personnes humaines, j’y vois une multitude de reflets de ces perfections éternelles. Et levant mon regard vers le monde des anges, je m’aperçois qu’ils sont aussi autant de reflets des perfections divines. Chacun a sa manière propre de se situer dans le monde spirituel, même si tous en sont participants. Portant mes yeux sur les chœurs angéliques les plus proches de moi, j’y vois l’expression de manières d’agir dans le monde créé. Puis remontant au travers des hiérarchies célestes, j’y vois progressivement davantage ce qu’est Dieu en lui-même, d’abord dans son agir, puis dans son être. Et je vois chacun comme portant un mystère particulier de la Divinité, d’une de ses perfections, qui le conduit par là à être le représentant de la manière dont cela est vécu par les créatures spirituelles.

Telle n’est pas alors ma joie et ma surprise de me rendre compte que les personnes humaines et angéliques permettent à mon intelligence d’entrer dans les mystères des perfections dont nous sommes tous participants. Platon avait raison ! Le monde des Idées existe. C’est le monde des personnes humaines et angéliques. Il y a un ange du Beau, un ange du Bien, un ange du Monde, un ange de la Vie, un ange de l’Humour. Il y a un ange pour dire que l’on rit, que l’on pense, que l’on joue, que l’on chante, que l’on se rencontre. Il y a un ange pour dire que l’on guérit, que l’on sauve, que l’on crée. Il y a une multitude d’anges pour dire tout ce qu’est et fait la spiritualité. C’est peut-être pour cela que les anges sont des messagers. Ils sont chacun le messager d’une perfection divine particulière, et de la manière dont cela est vécu par les créatures.

Ce n’est pas qu’ils soient les seuls à avoir cette perfection, puisque toutes les spiritualités des divers êtres spirituels sont participants de toutes les perfections spirituelles. Toutes les perfections s’appellent les unes les autres. Mais ils en sont les représentants, ils sont le lieu où l’on entre dans le mystère de cette perfection divine. En les regardant, nous nous plongeons dans le mystère de Dieu correspondant. C’est par eux que nous pouvons penser ce mystère.

Bien sûr, Aristote avait aussi raison, mais il parlait du monde sensible. Pour le monde sensible, qui comprend les personnes humaines avec leur spiritualité, nous avons bien des concepts dans nos intelligences pour entrer dans l’intelligibilité de ses diverses réalités. Mais pour le monde qui nous dépasse, celui des anges et de Dieu, il nous faut les Idées que sont les anges. Tout être spirituel est participant des perfections divines, et pour entrer dans l’intelligibilité de ces perfections divines, ou de la manière dont elles sont vécues par les anges, il nous faut les anges, à nous autres créatures de Dieu. Cela est vrai pour nous, et cela est vrai aussi pour les anges. Cette intelligibilité se fait ordinairement dans la nuit tant que l’on est sur cette Terre, les anges nous permettant cependant de saisir l’existence de ces perfections. Mais au Ciel, nous serons dans la vision, et nous verrons dans la pleine lumière toutes ces intelligibilités.

Les médiévaux avaient bien pensé que le monde des Idées existait : pour eux, c’était les idées des anges et de Dieu. Mais ils n’avaient pas vu que les idées des anges, c’étaient les anges eux-mêmes. Ils sont chacun le reflet d’un mystère particulier de Dieu et de la perfection angélique qui lui est associée, c’est en eux que nous en avons l’intelligibilité ; et nous sommes aussi chacun le reflet d’un mystère particulier de Dieu, car ils sont nos gardiens, car nous avons chacun des anges gardiens particuliers.

Il ne nous reste plus qu’à découvrir chacun le mystère propre que nous portons, ainsi que celui de ceux qui nous entourent, et à découvrir dans le monde des anges et des hommes les multiples splendeurs de la spiritualité dont nous sommes tous participants. Ce sera le Visage de Dieu qui se dévoilera à nos yeux. Un Visage qui s’est laissé voir en plénitude lorsque Dieu s’est fait chair en Jésus-Christ. Soyons comme Marie et Joseph à nous laisser illuminer par sa Lumière pour que ses perfections deviennent nôtres, et que nous puissions refléter le petit visage de Dieu qui est notre vocation pour l’éternité.

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