Quelle espérance ?

sainte famille 3

Tout va de plus en plus vite. Un courant avec une force inouïe semble tout emporter sur son passage. La civilisation est en train de changer, en profondeur. Cela est dû à l’arriver des techniques et des nouvelles libertés. Le modèle ancien de la famille s’en est allé. L’euthanasie fait son chemin. La PMA et la GPA se banalisent et entrent dans les mœurs. Pourquoi ? Pourquoi nous éloignons-nous des conceptions traditionnelles sur le couple humain et la vie à accueillir et à soutenir jusqu’à son terme ? Pourquoi voit-on disparaître ce que le monde chrétien avait fait émerger comme la volonté de Dieu inscrite jusque dans la nature humaine ? Les civilisations avant la civilisation chrétienne n’avaient pas eu ce modèle : on y pratiquait sans scrupules la polygamie, l’infidélité, le divorce, l’excision, l’abandon d’enfants, et beaucoup d’autres choses. Pourquoi ce que l’Évangile avait ciselé durant des siècles est-il en train de s’effondrer ?

On pourrait arguer que cela s’en va avec le déclin du christianisme : les hommes ont rejeté Dieu et tout s’effondre. Mais cela ne va pas au cœur du problème qui demande une vue beaucoup plus large du chemin que Dieu fait à travers l’histoire : quand il permet quelque chose, il y a une raison. On pourrait dire que tout cela était le fruit d’une époque, que ce qui compte c’est l’amour, le respect et la liberté. Mais c’est oublier que cela est inscrit jusque dans la nature humaine charnelle et sexuée.

Pourquoi est-il si difficile pour nos contemporains de saisir ce qu’il y a dans cette nature humaine à ce sujet, alors même que notre monde avait été illuminé par l’Évangile qui l’avait porté jusqu’à des considérations très hautes sur la compréhension non seulement de Dieu, mais aussi de l’homme. Pourquoi ? Pourquoi Dieu permet-il cela ? Et jusqu’où cela ira-t-il ?

Il est une histoire que l’on raconte à moitié sérieusement, à moitié pour plaisanter. C’est celle qui dit que quand l’empire chrétien d’Orient était sur le point de s’effondrer sous les coups des envahisseurs musulmans qui étaient en train de gagner le siège de la ville de Constantinople, il y avait au cœur de la ville une assemblée de doctes théologiens qui débattaient sur le sexe des anges.

Mais il se peut en fait que cette question, non résolue par les penseurs du Moyen-Âge, soit finalement la raison profonde de l’effondrement de l’ancienne chrétienté. L’histoire que nous avons citée est peut-être, au-delà de son aspect amusant et dérisoire, la clef d’interprétation la plus profonde de ce qui est arrivé. Comme nous l’avons mentionné par ailleurs, une question se pose aujourd’hui avec acuité : Les anges sont-ils chacun amour, ou sont-ils des individus solitaires ?

Sont-ils chacun un amour que l’on pourrait qualifier analogiquement de masculin-féminin-enfantin, c’est-à-dire de famille ? Ou sont-ils seulement en relation d’amour avec les autres personnes spirituelles ? A mi-chemin entre Dieu et les hommes, les anges ne tiennent-ils pas de Dieu d’être amour, mais non pas à sa manière de Père, de Fils et d’Esprit-Saint, mais de cette manière que l’on voit chez les hommes de masculin-féminin-enfantin ? Le masculin désignant une relation plus sensible à la dimension de don, le féminin une relation plus sensible à la dimension de vie et l’enfantin, fruit des deux autres, étant une relation pleinement sensible aux deux.

Ne nous sommes-nous pas trompés sur notre compréhension des anges ? N’y a-t-il pas un pan entier de ce qu’ils sont qui nous auraient échappés ?

Saint Thomas d’Aquin, le docteur angélique, connu pour sa grande synthèse sur beaucoup de mystères chrétiens dont celui des anges, a eu à la fin de sa vie comme une révélation qui lui a fait dire que tout ce qu’il avait écrit était finalement de la paille et qu’il valait mieux le brûler. Ce dont on l’a fort heureusement empêché. Mais celui qui a fait la synthèse de l’aristotélisme avec la pensée chrétienne, et tous ceux qui ont contribué comme lui à la grandeur de l’ancienne chrétienté, n’ont-ils pas finalement fait qu’un feu de paille puisque tout s’est en grande partie effondré et que le monde n’a pas trouvé dans la pensée chrétienne un équilibre suffisant pour y demeurer.

La scolastique a contemplé un monde angélique de pures individus très hiérarchisés et asexués qui donnait le primat à l’activité intellectuelle intuitive. C’est finalement cette lumière qui a pénétré le monde et qui l’a conduit vers de grandes inégalités, vers l’individualisme, le bureaucratisme, le primat de l’intellectuel et le rejet de ce qui faisait la noblesse de la sexualité. Elle semble à ce sujet progressivement préférer confier la procréation à des experts qu’à la condition charnelle d’un homme et d’une femme.

L’activité intellectuelle est bonne, mais à condition qu’elle soit plongée et immergée dans l’union d’amour. Et si les anges sont en eux-même amour, leur intelligence est pleine d’union et de fécondité. S’ils sont cet amour masculin-féminin-enfantin, la famille humaine n’est-elle pas une porte d’entrée pour saisir le monde spirituel ? Ne faut-il pas la protéger pour conduire les hommes vers les réalités d’en-haut, et finalement vers Dieu ?

Sœur Lucie de Fatima a dit que, selon la Sainte Vierge, le combat ultime contre Satan se jouerait sur le sujet de la famille. Il ne nous semble pas que le cœur du combat contre Satan soit d’abord politique, mais il est d’abord spirituel, mystique et théologique. C’est le combat d’accueillir le projet de Dieu, d’entrer dans la contemplation et la logique du monde spirituel. Ce qu’a voulu dire la Sainte Vierge c’est que le combat ultime contre Satan pour fonder une civilisation de l’Amour sera celui de la prise de conscience par l’Église de la réalité de famille dans le monde spirituel et en particulier dans le monde des anges. C’est cela qui conduira au renouvellement du monde qui sera illuminé par les réalités d’en-haut. Le monde s’est finalement coupé du Dieu Trinité, et a perdu jusqu’au sens de l’incarnation, car il lui manquait la juste compréhension de l’étage intermédiaire entre Dieu et les hommes, c’est-à-dire de celui des anges.

Au milieu de tout le brouhaha de notre époque, pleine d’innovations et d’idées nouvelles plus ou moins loufoques, l’on voit poindre en effet dans la conscience du monde cette question qui est selon nous la seule digne d’intérêt et qui doit nous conduire vers d’immenses approfondissements et vers un incroyable renouveau : « Les anges sont-ils amour en eux-même ? ».

Cette question est comme le caillou du petit David tuant l’immense Goliath. Elle est comme la petite pierre détachée de la montagne brisant le colosse au pied d’argile. C’est aujourd’hui un petit filet d’eau insignifiant ; mais il sera bientôt un immense fleuve donnant au monde de nombreux et bons fruits pour la gloire de Dieu. « Les anges sont-ils amour en eux-même ? ».

Le premier millénaire s’est posé beaucoup de questions sur le Dieu Trinité. Le deuxième millénaire s’est posé beaucoup de questions sur l’homme et sur l’Église. Le troisième millénaire se posera beaucoup de questions sur les anges. Ce troisième millénaire sera mystique, il regardera les réalités d’en-haut et y trouvera une belle et joyeuse lumière pour avancer vers sa destinée.

Prions donc les anges et l’Esprit-Saint de pénétrer notre monde et de le renouveler pour qu’advienne une civilisation de l’amour. Retournons à Noël, là où il y a Jésus, Marie et Joseph, là où il y a une multitude d’anges, de bergers et de bergères, et fondons une civilisation nouvelle.

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