Mt 27, 45-52 et Ps 22(21) : Abandon du Christ

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Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 27, 45-52 :

Depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, il y eut des ténèbres sur toute la terre. Et vers la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte: ‘Eli, Eli, lama sabachthani ?’ c’est-à-dire : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ Quelques-uns de ceux qui étaient là, l’ayant entendu, dirent : ‘Il appelle Elie’. Et aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge, qu’il remplit de vinaigre, et, l’ayant fixée à un roseau, il lui donna à boire. Mais les autres disaient : ‘Laisse, voyons si Elie viendra le sauver.’ Jésus poussa de nouveau un grand cri, et rendit l’esprit. Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent.

Psaume 22 (21) :

02 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Le salut est loin de moi, loin des mots que je rugis
03 Mon Dieu, j’appelle tout le jour, et tu ne réponds pas ; même la nuit, je n’ai pas de repos.
04 Toi, pourtant, tu es saint, toi qui habites les hymnes d’Israël !
05 C’est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais.
06 Quand ils criaient vers toi, ils échappaient ; en toi ils espéraient et n’étaient pas déçus.
07 Et moi, je suis un ver, pas un homme, raillé par les gens, rejeté par le peuple.
08 Tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent et hochent la tête :
09 « Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre ! Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »
10 C’est toi qui m’as tiré du ventre de ma mère, qui m’a mis en sûreté entre ses bras.
11 A toi je fus confié dès ma naissance ; dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu.
12 Ne sois pas loin : l’angoisse est proche, je n’ai personne pour m’aider.
13 Des fauves nombreux me cernent, des taureaux de Basan m’encerclent.
14 Des lions qui déchirent et rugissent ouvrent leur gueule contre moi.
15 Je suis comme l’eau qui se répand, tous mes membres se disloquent. Mon cœur est comme la cire, il fond au milieu de mes entrailles.
16 Ma vigueur a séché comme l’argile, ma langue colle à mon palais. Tu me mènes à la poussière de la mort. +
17 Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m’entoure. Ils me percent les mains et les pieds ;
18 je peux compter tous mes os. Ces gens me voient, ils me regardent. +
19 Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement.
20 Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin : ô ma force, viens vite à mon aide !
21 Préserve ma vie de l’épée, arrache-moi aux griffes du chien ;
22 sauve-moi de la gueule du lion et de la corne des buffles. Tu m’as répondu ! +
23 Et je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée.
24 Vous qui le craignez, louez le Seigneur, + glorifiez-le, vous tous, descendants de Jacob, vous tous, redoutez-le, descendants d’Israël.
25 Car il n’a pas rejeté, il n’a pas réprouvé le malheureux dans sa misère ; il ne s’est pas voilé la face devant lui, mais il entend sa plainte.
26 Tu seras ma louange dans la grande assemblée ; devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses.
27 Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ; ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent : « A vous, toujours, la vie et la joie ! »
28 La terre entière se souviendra et reviendra vers le Seigneur, chaque famille de nations se prosternera devant lui :
29 « Oui, au Seigneur la royauté, le pouvoir sur les nations ! »
30 Tous ceux qui festoyaient s’inclinent ; promis à la mort, ils plient en sa présence.
31 Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ; on annoncera le Seigneur aux générations à venir.
32 On proclamera sa justice au peuple qui va naître : Voilà son œuvre !

Commentaire :

Le Christ sur la Croix pousse un profond cri de déréliction : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Ce cri rejoint notre propre désespoir ; il rejoint toutes les fois où nous ne voyons plus rien, où il ne semble plus y avoir d’issu. Nous n’en sommes pas forcément conscients, mais le Christ, dans ce cri, a porté tous les moments où nous sommes dans la souffrance et la désolation. À ces moments-là, il est là, car il a vécu cela. Il a vécu ce que nous vivons. Non pas la même chose que nous, mais bien ce que nous vivons ; il le vit avec nous. Le Christ a tout vécu. Il vit tout avec tout le monde. Et il savait dans son abandon, qu’il était abandonné à notre amour ou à notre hostilité, à nos problèmes et à nos joies, jusqu’à ce que l’amour ait triomphé de tout. Il était abandonné à chacun de nous pour porter tout ce que nous sommes, en bien ou en mal, pour le meilleur ou pour le pire.

Il a ressenti profondément l’abandon, comme s’il était coupé du Père à jamais. C’est une immense souffrance, qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Et c’est là, dans ce désespoir, qu’il a posé tous les actes d’amour qui ont refait le monde, qui font que l’amour triomphera de toutes haines et de toutes souffrances. C’est cet amour qui, si nous y prêtons attention, nous inonde, nous submerge, nous met en route, et nous rend heureux. L’amour a eu le dernier mot, comme le montre d’une manière triomphale la Résurrection, et comme l’indique la tonalité de joie de la fin du psaume. Et c’est dans l’amour que ce cri vient nous installer. Notre amour est la réponse à ce cri ; c’est pour cela que le Christ a été abandonné ; pour que nos cœurs s’ouvrent à l’amour submergés par ce si grand Amour,.

Le Christ nous invite, à sa suite, à le servir pour porter à notre tour le désespoir du monde et y mettre sa joie et son amour. Son amour nous met en mouvement ; notre mouvement est une réponse à son amour. Il nous faut être des témoins de cette joie et de cet amour qui est capable de vaincre toute haine et toute souffrance.

Il nous faut vivre aussi ce cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Il faut le vivre pour nous unir à celui du Christ. C’est ce cri que nous poussons dans la souffrance quand nous cherchons Dieu sans le voir. C’est ce cri que nous poussons après la souffrance quand nous cherchons les fruits que Dieu peut tirer de ce qui nous est arrivé : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Pourquoi m’as-tu fait passer par tout cela ? Fais-moi voir ce pour quoi tu m’as fait passer par tout cela ? Fais advenir les fruits des paix et de joie qui sont promis à ceux qui t’ont suivi ! » C’est un cri pour la souffrance. C’est un cri aussi pour les moments de paix et de joie quand nous songeons à toutes nos souffrances passées, et à toutes celles de l’humanité. C’est un cri que nous poussons pour nous, c’est un cri que nous poussons pour les autres. Il nous faut laisser résonner en nous le cri des autres pour le porter à Dieu afin de les plonger dans son Amour.

C’est aussi le cri de l’homme pêcheur repentant qui demande à Dieu dans l’amertume d’avoir été infidèle pourquoi il a été abandonné au péché. C’est ce cri que nous poussons quand nous demandons à Dieu de nous montrer comment il arrive dans sa Miséricorde à tirer un bien même du mal que nous avons pu poser. C’est ce cri qui cherche à glorifier la Miséricorde.

C’est un cri qu’il faut pousser dans toutes ses tonalités : dans la souffrance et dans la joie, dans le désespoir et dans l’espérance, dans le repentir et dans le service. C’est un cri de tous les jours. C’est le cri que le Christ pousse pour l’humanité en tant que Tête du Corps. C’est le cri du Christ que nous entendons dans les profondeurs du réel et qui nous parle d’amour et de résurrection, de pardon et de vie. C’est le cri de nos frères qui attendent notre amour. C’est un cri qui attend la victoire de l’amour.

Et l’amour triomphera, car le cri d’amour du Christ est si grand qu’il est capable de changer nos cœurs. C’est le cri de l’époux qui dit à son épouse : « Viens ma toute belle, je veux m’unir à toi. Je veux que ce que je suis, ma bonté, ma beauté, et mon amour, soit aussi à toi. »

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