La folie de la foi

« Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la Terre ? » (Luc 18, 8). Cette question de Jésus a de quoi nous faire frémir. L’avons-nous vraiment cette foi que nous prétendons professer ? L’avons-nous cette foi qui si petite soit-elle est capable de déplacer les montagnes ? L’avons-nous cette foi du grain de sénevé qui est toute confiance en Dieu ?

Avoir la foi, c’est laisser la vie divine faire irruption en nous. C’est ne plus vivre à notre mesure, mais à celle de Dieu. C’est vivre avec Lui : nous en Lui, et Lui en nous. Et cette vie en nous vient transformer notre regard sur le monde ; elle vient illuminer notre intelligence, lui donnant de goûter une sagesse qui la dépasse. Et cette vie en nous vient nous porter vers des actions et des œuvres non plus à notre mesure, mais à celle de Dieu. Si la foi est vraiment en nous, alors il doit y avoir la folie en nous. De la folie dans l’accueil de cette vie divine et dans la place qu’elle vient prendre dans notre existence. De la folie dans notre manière de voir le monde qui est bien au-delà de la bien-pensance du monde. De la folie dans nos œuvres qui ne reposent pas sur un équilibre humain, mais divin. De la folie… Non, pas qu’il faille ignorer les sagesses des diverses cultures, mais parce que la vie de Dieu nous amène bien au-delà.

Avoir la foi, c’est accueillir Jésus, dans son Incarnation, dans sa Passion et dans sa Résurrection. C’est croire que Dieu s’est fait petit Enfant, et s’est livré pour nous apporter le salut. Avoir la foi, c’est se laisser emporter par le feu de l’Esprit dans une vie qui rencontre la contradiction de tous ceux qui ont refusé Dieu. Avoir la foi, c’est aller à la Croix pour offrir à ces gens-là le salut de Dieu. Avoir la foi, c’est se reposer dans la confiance dans les mains du Père quelque soit les chemins qu’il nous fasse prendre. Avoir la foi, c’est aimer la volonté de Dieu et l’accueillir et la suivre. Avoir la foi, c’est croire que l’on peut toujours se relever, aussi bas que l’on puisse tomber. Avoir la foi, c’est aimer la prière et la liturgie, car là s’y manifeste celui que l’on aime. Avoir la foi, c’est oser la rencontre et la relation, car Dieu est ainsi. Avoir la foi, c’est savoir aimer et se réjouir, car le Christ est Ressuscité.

Avoir la foi, c’est croire qu’il y a le monde supérieur de Dieu et des anges, et que ce monde-là exerce une forte influence sur le monde des hommes. Les anges, bons ou mauvais, influencent le climat. Les anges, bons ou mauvais, sont capables d’apparaître sous formes humaines et de se faire passer pour quelqu’un d’autres. Les anges, bons ou mauvais, sont capables de truquer des élections, et de passer outre tous les systèmes de sécurité. Les anges, bons ou mauvais, sont capables de déplacer ce qui est matériel et de fabriquer des objets de toutes sortes. Les anges, bons ou mauvais, sont capables d’influencer nos actions, nos jeux et nos vies. Les anges, bons ou mauvais, sont capables d’influencer nos passions, notre imagination, et nos pensées. Et Dieu peut faire bien plus encore.

Avoir la foi, c’est croire que nos psychologies ne peuvent pas garder leur équilibre sans la présence de Dieu et des anges. Avoir la foi, c’est croire que nos pays ne peuvent rester dans la paix et l’harmonie sans la présence de Dieu et des anges. Avoir la foi, c’est croire qu’un monde humain qui penserait se gouverner tout seul en se passant de Dieu et des anges est voué à l’échec, car nos raisonnements et nos capacités humaines sont impuissants devant beaucoup de choses qui se passent dans le monde. La justice humaine ne peut que démissionner devant certaines possibilités des démons à nous tromper. La politique humaine ne peut que s’avouer impuissante à maintenir l’unité d’un pays qui ne s’ouvre pas à la grâce : car non seulement la nature sans la grâce ne mène qu’au péché, mais aussi cela laisse le champ libre au démon.

Il est vrai que l’on n’a pas besoin d’être chrétien pour être bon. Mais si quelque part, il n’y a plus de chrétiens, plus personne pour parler à Dieu, aux anges et aux saints, alors Dieu se retire, et laisse l’homme à sa propre logique qui ne peut conduire qu’à la mort.

« Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la Terre ? » (Luc 18, 8).

Goûtons-nous vraiment la contradiction dans nos vies ? Percevons-nous que l’équilibre de nos psychologies ne tient que par la grâce de Dieu ? Et s’il y en elle des déficiences, est-ce encore pour nous une grâce pour vivre la Croix ? Intégrons-nous la présence de Dieu et des anges dans toutes les réalités de nos vies ? Jusqu’où va notre oui à Dieu ? Nous reposons-nous dans les bras du Père avec confiance quelque soit les endroits où il puisse nous mener ? Voulons-nous être des fous ? Voulons-nous perdre tout équilibre humain pour ne plus vivre que d’un équilibre divin ?

Le Christ veut se servir de nous comme d’instruments pour réaliser son œuvre. Quand l’instrument est dans les mains de celui qui l’utilise, il fait des choses qui le dépassent. La vie chrétienne, c’est le Christ qui agit en nous et à travers nous. Et cela nous dépasse complètement. Et cela doit se voir ; peut-être pas dans chaque personne, mais au moins dans nos communautés. Peut-être pas tout le temps, car pour Jésus, il y a eu la vie cachée et la vie publique, mais au moins à des moments. Cela doit faire partie intégrante de nos vies chrétiennes. Et cela doit toujours être présent dans nos cœurs. Une communauté chrétienne où l’on ne voit pas que s’y réalise quelque chose qui dépasse complètement les capacités humaines et qui vivrait paisiblement sa vie sans contradiction et sans se remettre en question passerait à côté de l’Évangile. La foi ne peut mener qu’à la folie de la vie divine qui dépasse tous nos raisonnement humains. Le monde n’a pas besoin d’une nouvelle sagesse, il a besoin de folie pour goûter la vraie sagesse, celle de Dieu, qui ne peut se trouver que dans ce qui paraît être une folie. Alors entrons dans la vie, et n’ayons pas peur d’être des fous.

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