On connaît la chanson de Gilbert Bécaud : « Et maintenant que vais-je faire de tout ce temps que sera ma vie ? … Et maintenant que vais-je faire ? Vers quel néant glissera ma vie… Et maintenant que vais-je faire ? Je vais en rire pour ne plus pleurer. » C’est le cri d’un homme à qui l’amour a été retiré.
Et maintenant qu’allons-nous faire ? Maintenant que nous avons été bien habitués à nous protéger des relations sociales, maintenant que nous avons pris le pli d’une culture de l’indifférence au nom de la sacro-sainte santé. Maintenant que nous nous sommes aussi bien habitués à la délation sous prétexte de santé publique, ce qui ne peut que finir d’achever l’amitié politique, et donc l’unité de notre pays. Tant d’amour n’a pas été donné, tant de choses de la vie n’ont pas été célébrées, pour obéir à cette injonction d’arrêter un virus contre lequel on ne peut rien. Comme le disent nos grands-pères : il y a eu des maladies qui ont fait dix fois plus de morts, et l’on n’en a pas fait tout un foin ; aujourd’hui, pour dix fois moins de morts, on arrête de vivre, on euthanasie nos sociétés.
Dans le film le docteur Knock, on voit un médecin qui arrive à mettre une bonne partie de la population de son canton au lit en les faisant entrer dans des logiques médicales. Et à la fin, on voit l’ancien médecin en visite commencer à protester contre ces pratiques. Puis, il finit lui-même par être mis au lit par le docteur très habile pour conduire les gens à se prendre pour des malades. C’est un film à voir. Nous sommes tous comme l’ancien médecin : nous aurons beau protester contre ces mesures sanitaires, nous finirons tous par nous faire avoir et nous laisser influencer.
Reprenons les choses. Nous sommes face à un choix : celui de nous protéger en risquant de détruire des choses de nos sociétés et celui de continuer à vivre en prenant le risque de la contagion. Cela s’appelle un choix sur des actes à double effets (cf. notre article Les mains sales). Dans chaque option, il y a directement un bien et un mal. Nous n’avons pas de choix où il n’y a pas de mal. Un jugement prudentiel doit nous conduire à choisir l’option où il y a le plus de bien et qui minimise le mal. Il ne s’agit pas de penser que du mal sortira du bien : mais de penser que le choix du plus grand bien compensera le mal que l’on est contraint à accepter.
Il faut aussi voir que ce qui doit conduire nos choix est le bien commun : ces conditions qui permettent aux groupes et à chacun de déployer leur vie. Ce n’est pas notre bien propre ou celui de notre voisin, ce n’est pas notre santé ou celui de ceux que nous rencontrons. Ce n’est pas non plus l’intérêt général, ce qui semble opportun pour le groupe pris comme un bloc.
Dans la situation actuelle et dans beaucoup de cas, préserver la vie et le culte à Dieu est un bien plus grand que ce que l’on peut espérer en se protégeant du virus. Les quelques morts en plus préservés par la plupart de ces mesures ne légitiment pas de mettre en péril nos sociétés. Le discours des médias et du gouvernement pousse à l’extrême dans le sens de la protection en regardant le bien qui est de ce côté et en moralisant dans le sens de ce seul bien. Mais c’est oublié le mal qui va avec ce bien, et le bien qui est dans l’autre choix et qui ne sera pas posé.
Alors que faire ?
Il faut déjà remarquer qu’une loi politique ne nous oblige pas. C’est le vrai bien reconnu par la conscience qui nous oblige à prendre une option. La loi nous indique souvent le vrai bien ; et il est des situations où il vaut mieux pousser davantage du côté de l’obéissance à la loi : dans la guerre, dans certaines institutions, à certaines étapes de l’éducation, etc. Mais fondamentalement, c’est le vrai bien reconnu par la conscience qui nous oblige. Sentons-nous donc libre de juger par nous-mêmes dans chaque situation où est le vrai bien et choisissons-le.
Il faut aussi remarquer que contrecarrer l’opinion commune ou les orientations de l’État peut nous conduire à perdre notre réputation, et à mettre nous-mêmes ou nos entreprises, associations ou institutions en situation délicate. Il faut savoir mesurer le risque et mener les bons combats. Il faut savoir contester, mais pas n’importe comment.
Alors quels sont-ils ces bons combats pour lesquels il nous faut oser dire non à l’État et à tous ceux qui ne comprennent pas qu’un autre chemin soit possible ? Où est-elle la ligne rouge de ce que nous pouvons accepter et ce que nous devons refuser ?
Bien sûr la réponse sera différente pour chacun. Et nous risquons de poser des choix bien imparfaits tant la réponse est délicate. Mais il faut oser vivre. Il faut déjà oser parler, s’encourager, préparer nos consciences en nous aidant les uns les autres.
Et il faudra agir… La réponse d’aujourd’hui n’est pas celle de demain (cf. Les trois unités).
La ligne rouge que moi je vois est la limitation du culte rendu à Dieu. Rien ne peut aujourd’hui plus légitimer de ne plus honorer notre Dieu dans des assemblées où l’on se retrouve les uns avec les autres. Rien ne peut plus légitimer de limiter les sacrements. C’est une ligne rouge. Au-delà de celle-ci, je ne vois plus d’intérêt à continuer à travailler, d’autant que ne plus travailler risque au pire de nous mettre au chômage pour faute simple, c’est-à-dire en touchant les allocations. C’est la limite que moi je vois. Sans le culte rendu à Dieu, notre société ne fera plus que s’effondrer. Appeler au civisme pour empêcher le culte n’aurait pas de sens, car il n’y aurait alors plus d’avenir pour la cité.
Il faudra réagir… Est-ce que le gouvernement pliera ? Je ne sais pas. Mais nous aurons au moins pris le risque de la vie.
Je ne suis pas prophète pour dire ce qui va se passer. Je dis juste qu’il y a là une ligne rouge. Qui commence déjà dans toutes les restrictions personnelles de ceux qui sont suspectés d’avoir le coronavirus : cela ne peut légitimer de restreindre pour eux le culte rendu à Dieu. Il faut savoir prendre des risques. Il y a trop de choses à gagner à aller vers le mystère de l’Incarnation, à accepter de laisser le médecin des âmes nous soigner. Pensons à saint François d’Assise qui a fait le choix d’embrasser le lépreux quitte à se contaminer lui-même et à contaminer les autres.
Je ne suis pas prophète pour dire ce qui va se passer. Mais je vois que le monde va bientôt être dans la confusion et dans la division. L’unité du monde semblera disparaître. Et Dieu la redonnera pour ouvrir un chemin vers la civilisation de l’amour. Il nous guérira, il nous fera revivre. Et d’une manière où nous soyons sûrs que c’est Lui.
Je ne suis pas prophète pour dire ce qui va se passer. Mais l’enjeu du monde d’aujourd’hui n’est pas de lutter contre le coronavirus. Il s’agit plutôt de se préparer à la résistance contre la confiscation de nos consciences. Il y a un chemin à prendre avant peut-être trois ans où il faut s’ancrer dans la vie intérieure et dans l’édification de petites fraternités où, à la lumière de la Parole de Dieu, nous soyons en mesure de nous laisser conduire par le Bon Berger. Il faut en particulier œuvrer pour garder vive la pratique et la conscience de l’Incarnation, par l’usage des sacrements et des sacramentaux (il est d’ailleurs étonnant que l’on n’est pas mis en valeur ces derniers quand les premiers nous ont manqués). Et il ne faut pas se leurrer : pendant que l’on nous occupe l’esprit et nous lave le cerveau avec cette histoire de coronavirus, le loup est aux aguets et se prépare à agir ; on le voit déjà pointer le bout de son nez avec les lois sur la vie humaine que l’on est en train de faire passer dans l’indifférence générale.
Peu importe les chutes. Il est toujours possible de se relever. Peu importe les dangers. Nous avons un Dieu qui veille. Nous avons une myriade d’anges qui sont là pour nous guider, nous éclairer, nous conseiller, nous soigner, nous protéger, nous sanctifier.
Alors, n’ayons pas peur de vivre.