Joachim de Flore a écrit son livre Concordance pour détailler comment, en mettant en parallèle l’Ancien et le Nouveau Testament, adviendrait l’âge de l’Esprit-Saint, après celui du Père et du Fils. Il livre là une vision trinitaire de l’histoire souvent reprise par la suite, généralement avec des conceptions anti-hiérarchiques. La pensée de ce moine est perçue par la théologie catholique comme trop systémique, comme poussant un peu trop loin certaines idées, mais avec des intuitions qui peuvent être quand même intéressantes.
De fait, c’est une question intéressante. Quel progrès historique, au niveau théologique et ecclésial, est-on en droit d’attendre ? La comparaison habituelle se réfère à l’image du développement d’un corps. Dans les premiers siècles de l’Église ont été posées les structures porteuses, de la même manière que dans l’embryon se met en place les différents organes. Puis le corps se déploie, grandit et se fortifie sans que disparaisse ou qu’apparaisse un élément essentiel. Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause les dogmes, les sacrements, les textes sacrés, la hiérarchie ecclésiastique, le célibat consacré, etc. Ce sont là les éléments vitaux du corps qu’est l’Église. Ce corps se déploie, grandit. Des personnes s’y adjoignent chaque jour, des avancées théologiques se font, des pratiques évoluent. Mais l’essentiel se maintient.
Cependant, il est dit dans la Cantique des cantiques (8, 8) : « Notre sœur est petite : elle n’a pas encore les seins formés. Que ferons-nous à notre sœur, le jour où il sera question d’elle ? » Dans le chemin de l’Église vers ses noces éternelles, après déjà un long développement, il est dit ici que des formes et des rondeurs jusque là inconnues peuvent apparaître. Cela ne remet pas en cause le reste du corps, mais cela donne de nouvelles perspectives fascinantes qui peuvent donner un autre goût à la vie ecclésiale et aux mystères théologiques. C’est ce que dit par ailleurs l’apôtre Jean, affirmant connaître des choses qu’il n’est pas encore temps pour nous de découvrir : « Et quand les sept tonnerres eurent fait entendre leurs voix, j’allais écrire ; et j’entendis du ciel une voix qui disait : Scelle ce qu’ont dit les sept tonnerres, et ne l’écris pas… mais qu’aux jours de la voix du septième ange, quand il sonnera de la trompette, le mystère de Dieu s’accomplira, comme il l’a annoncé à ses serviteurs, les prophètes. » (Ap 10, 4-7). Il est dit de fait que l’Esprit-Saint doit nous mener dans la vérité toute entière (Jn 16, 13).
Nous croyons pour notre part qu’une effusion d’amour adviendra sur le monde par la réconciliation du masculin et du féminin. À l’origine, par le péché originel, l’harmonie a été brisée dans notre relation à Dieu, et dans la relation de l’homme avec la femme. Dieu est venu se réconcilier l’humanité en s’incarnant et en vivant le mystère pascal. Et de là doit jaillir la réconciliation du masculin et du féminin. Nous voyons aujourd’hui un fort combat pour détruire ce mystère. C’est somme toute la notion d’Alliance que l’on tente de faire disparaître.
Nous pensons qu’il faut remonter plus loin que l’humanité pour percevoir ce mystère. En Dieu, bien sûr. Mais déjà, dans une première étape, dans cet échelon intermédiaire des anges qui nous aide à percevoir ce qu’est toute réalité spirituelle. Nous avons une question à poser à ce sujet, nous l’avons détaillée dans notre article : Mais qui sont les anges ? Nous pensons que dans l’Église il est sain qu’il y ait un amical débat d’idées. C’est pourquoi nous n’avons pas peur de la poser : Les anges sont-ils chacun amour, famille, union conjugale et jaillissement de vie ? Sont-ils donc ces êtres, à mi-chemin entre Dieu et nous, trois existences pour une seule personne ? Une personne, car possédant une unité qui donne à chaque ange une seule parole dans la communauté des personnes ? Mais trois existences, en usant de termes analogiques, masculine, féminine et enfantine, unies dans un mystère d’amour ?
On affirme en rigolant qu’à la chute de l’empire d’Orient, envahi par les armées musulmanes, de doctes théologiens discutaient du sexe des anges… Mais cette histoire ne nous indique-t-elle pas en fait le lieu où l’ancienne chrétienté a échoué ? Percevoir ce mystère d’amour présent chez les anges. Percevoir que chaque ange n’est pas un individu solitaire, mais une unité de famille, une triade.
Voilà cette rondeur et ce secret que les Écritures, si on se laisse saisir, nous révèle : un mystère de noces au cœur de la spiritualité. Cela ne remet pas en cause ce qui se fait ou se dit par ailleurs. Et certainement pas le célibat consacré. Car tout le monde sait que si l’on parle pour les religieux des ordres angéliques, c’est pour désigner la louange et la liturgie à laquelle ils participent. Tout le monde sait que le célibat est là pour désigner le Royaume présent au cœur du monde, et pour montrer la réalité des noces avec Dieu. Les anges nous parlent de noces. Fort bien. Et bien cheminons vers les noces avec Dieu, avec le Christ qui est l’Époux, quelle que soit notre vocation. Vous pouvez lire à ce sujet notre document Hommes et Femmes dans la plan de Dieu.
S’il y a un âge à venir, avec une effusion d’amour de l’Esprit-Saint, ce sera selon nous un âge de la Famille, un âge où l’on percevra davantage le mystère des anges. Le mieux pour y entrer est de revenir au mystère de la Sainte Famille, au mystère de Noël.
Un mystère de noces
Ce qui a été dit sur la conjugalité place cette réalité au cœur même de ce qu’est Dieu. Cela conduit à voir sa Substance même comme Étreinte Nuptiale, comme Union Conjugale et Jaillissement de Vie. Les distinctions des Personnes ne sont là que pour glorifier cette réalité. Non pas tant dans leurs relations personnelles que dans ce chant du Fils de ce qu’est le Père en le vivant en Lui-même, et l’échange de cette Substance entre eux deux est l’Esprit-Saint Lui-même. La diversité des créatures n’est là que pour refléter cette réalité Substantielle. Les anges vivent ainsi l’étreinte en eux-mêmes et sont union conjugale et jaillissement de vie, ce qui peut être difficile à percevoir ne voyant pas de distinction de personnes dans les espèces qu’ils sont chacun. Mais cela peut-être approché par l’aspect flamboyant et incandescent dont ils répandent la Lumière de Dieu dans le monde depuis le Trône Céleste.
Une spiritualité solitaire ne peut pas refléter ce qu’est Dieu, et ne répand sur le monde que tristesse et désolation. Dans une froide et pâle lumière qui, au lieu d’être cumulation de toutes les couleurs, est en fait absence totale de couleur. Une lumière à laquelle il faut préférer la douce nuit obscure où l’on trouve l’Enfant de Noël.
Le cœur même de toute spiritualité se trouve donc dans ce qui est goûté dans le Cantique des cantiques… là où se scellent les Alliances Éternelles…
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