Des anges, de leur existence et de leur sexe

Puisque le monde est en feu, il est temps de parler du sexe des anges. C’est une longue tradition depuis la chute de l’empire d’Orient sous les assauts des armées musulmanes en 1453 de procéder ainsi en de telles situations. Cela peut faire rire, mais à chacun de savoir où sont ses priorités. Nous ne faisons pas ici de l’ironie mal placée, mais nous désignons au contraire le point sur lequel notre civilisation a échoué ; et qui peut donc être le lieu d’un renouveau. À vous de vous faire une idée si vous acceptez de prendre le temps de nous lire dans nos différents articles. Nous regarderons ici tout d’abord la question de l’existence des anges, puis celle de leur sexe.

Les anges, donc, qui nous écoutent et sont prêts de nous, sont des êtres purement spirituels. Les diverses religions et cultures attestent de leur existence. Mais peut-on prouver cette existence par la raison humaine ? Certains diront que non, et que cela relèvent seulement de la foi. D’autres, comme saint Thomas d’Aquin et nous-mêmes, soutiendront que cela est possible. La preuve repose essentiellement sur l’argument de la complétude de l’univers des créatures.

De fait, Dieu ne fait rien à moitié. L’on sait que Dieu est purement spirituel. La complétude de l’univers demande qu’il y ait des créatures purement spirituels pour que la perfection propre de la spiritualité soit manifestée en elles. Bien sûr, Dieu a aussi créé des êtres spirituels qui ne sont pas purement spirituels mais composés de spiritualité et de matière : ce sont les hommes. Il y aurait quelque chose de déficient à se contenter de ces êtres spirituels-là, et à imaginer qu’elles soient les seuls de l’univers. On aurait un goût d’inachevé. Ce qui serait sorti des mains de Dieu ne serait pas adéquat à la perfection divine. C’est la preuve par la complétude dans l’ordre de l’existence.

On peut aussi utiliser cet argument de la complétude dans l’ordre des opérations de la connaissance et de l’intelligence pour prouver l’existence des anges. Les créatures spirituelles se doivent de pouvoir entrer en relation avec Dieu avec leurs capacités de créatures. Elles doivent pouvoir saisir quelque chose de Dieu par leur intelligence : reconnaître Dieu comme Dieu. Bien sûr, cela reste une complétude relative, car il y aura toujours des choses de Dieu qui nous échapperont : il faut la grâce pour entrer dans certains mystères. Mais la complétude relative demande qu’une relation avec Dieu puisse être établie par l’usage naturel de nos facultés. Or, l’intelligence humaine est trop petite et trop inadéquate pour cela. Nous n’avons pas de concepts de Dieu en nous, et nous sommes incapables d’appréhender directement l’essence divine. Dieu est trop différent de nous pour que nous en saisissions directement quelque chose. Il nous faut donc un monde intermédiaire de créatures qui nous aide pour cela. Ce monde ne peut être que purement spirituel pour être adéquat à ce rôle de permettre aux êtres spirituels créés de percevoir quelque chose du divin.

Nous entrons en relation avec le monde des anges où nous goûtons quelque chose de ce qui dépasse le monde des hommes, et cela sert de porte d’entrée pour goûter quelque chose de Dieu, car ce monde des anges est en relation avec Dieu. Alors notre intelligence perçoit, dans la nuit certes mais réellement, les perfections du monde angélique et du monde divin. Nous arrivons à en saisir quelque chose et à en dire quelque chose, et cela a du sens.

Nous sommes en relation avec des anges, eux-mêmes en relation avec des anges de perfection de plus en plus grande, pour arriver finalement à être en mesure de saisir quelque chose de Dieu. C’est une nécessité de la complétude de l’univers pour que l’exercice de notre intelligence et de notre spiritualité puisse avoir lieu.

La preuve de l’existence des anges est à adosser à la preuve de l’existence de Dieu. Celle-ci repose sur l’argument de la nécessité de l’existence d’une Existence pure, source de toutes les existences. Elle sous-tend la considération de l’existence de Dieu que l’on invoque dans la preuve de l’existence des anges. Mais, il faut remarquer que la preuve de l’existence de Dieu demande aussi la preuve de l’existence des anges pour que l’usage que l’on fait de la notion d’Existence pure puisse avoir un sens. Je n’ai pas dans mon intelligence humaine de concept d’Existence pure. Sans la preuve de l’existence des anges, on pourrait se dire que l’on use dans la preuve de l’existence de Dieu de notions inadéquates pour l’intelligence humaine, et donc que la preuve est inintelligible. Mais, par les anges, je sais que je peux arriver à une pensée sur l’Existence pure, qu’il peut y avoir une opération de mon intelligence pour y trouver une certaine intelligibilité sous le mode de l’analogie. L’analogie des choses divines, sans le monde des anges, c’est comme chercher à faire fonctionner une lampe sans l’avoir branchée : on a beau retourner un concept humain en tout sens et espérer qu’il en jaillira de l’intelligibilité sur quelque chose qui le dépasse, la lumière ne viendra pas. Notre intelligence ne pourra arriver à poser son opération d’élévation dans la négation des limites. On en restera toujours aux concepts humains, à une pensée dans les limites de ce qui est humain.

Les anges donc doivent exister, sinon l’univers créé ne serait pas complet et Dieu ne serait pas Dieu. Alors, venons-en maintenant au sujet le plus intéressant pour le monde d’aujourd’hui : le sexe des anges.

En fait, la question a toujours été mal posée dans l’histoire, car l’on a fait un anthropomorphisme en imaginant les anges comme des individualités comme nous, et en cherchant à savoir si cette individualité était plutôt masculine ou féminine à notre image, ou si elle était d’un troisième sexe ou asexuée.

Pour avancer sur cette question, revenons à la relation qui s’établit entre nous et un ange, quand l’usage de nos facultés spirituelles de connaissance et d’intelligence nous porte vers le monde d’en-haut. C’est une relation d’un être spirituel inférieur à un être spirituel supérieur. Du point de vue du supérieur, il est en mesure d’avoir une relation qui va vers nous : le plus grand est capable du plus petit. Mais du point de vue de l’inférieur, nous sommes bien en peine d’avoir en nous, dans notre âme, une relation, un ancrage, pour remonter vers le monde des anges. C’est là qu’il faut voir que c’est tout notre être qui est relation vers un ange. Nous n’avons pas une relation en nous vers un ange, mais nous sommes une relation vers un ange. Pour que l’inférieur puisse permettre à nos facultés spirituelles de remonter vers le supérieur, il faut que tout l’inférieur serve de signe et de moyen pour cela. Chaque personne humaine est dans tout son être un signe et un moyen pour entrer en relation avec un ange particulier. Il s’agit là de son ange gardien. C’est le seul moyen pour permettre la relation au monde des anges, et donc à Dieu, par nos capacités de créatures.

Et ce qui est vrai dans la relation des hommes vers les anges gardiens est vrai des anges inférieurs vers les anges supérieurs, et aussi des anges les plus supérieurs vers Dieu : ils servent chacun de signe et de moyen pour établir une relation avec le supérieur.

Puisque nous sommes chacun signe et moyen pour entrer en relation avec un ange, c’est qu’il doit y avoir une similitude entre chacun de nous et notre ange gardien. On pourrait en conclure alors que l’ange gardien d’un homme est plus masculin, et que l’ange gardien d’une femme est plus féminin. Et s’arrêter là. Mais cela ne serait pas suffisant pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il faut rendre compte que la similitude entre l’homme ou la femme et son ange bien que très grande doit aussi comporter une dissemblance suffisamment grande pour que l’on puisse bien distinguer l’âme humaine de l’ange. Ensuite, parce que la vocation de l’homme et de la femme est d’entrer dans une relation conjugale avec une autre personne humaine pour fonder une famille. Or, si l’ange a une similitude avec nous, qu’en est-il de lui ? Enfin, comment la similitude s’établit-elle entre les anges inférieurs et les anges supérieurs, surtout si un ange supérieur est lié à plusieurs anges gardiens d’hommes et de femmes ?

Reprenons les choses autrement. La famille est la cellule fondamentale de la société des hommes. L’unité de base de notre société ne sont pas des individualités, mais des communautés de vie : nous vivons dans des foyers, nous sommes époux, épouses, enfants, frères, sœurs. Même la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ ne fait pas disparaître cela, puisque nous formons alors une communauté de vie avec Jésus-Christ. Et quelqu’un qui resterait célibataire sans être consacré à Dieu aurait quand même un appel en lui à la conjugalité et à l’enfantement qui le placerait dans la société des hommes et devant Dieu dans une prise en considération de la notion de famille. Celle-ci façonne notre identité à tous.

Si chacun de nous est par tout son être un signe vers un ange gardien, la société des hommes est un signe vers la société des anges gardiens. Donc, d’une manière analogique, la famille est la cellule fondamentale de la société des anges. Or, les anges ne se mettent pas en famille : un être purement spirituel n’a pas à s’accomplir dans sa nature, il l’est dès l’origine. De plus, les anges ne sont pas créés les uns envers les autres dans des relations de famille : la perfection d’un être purement spirituel fait qu’il a sa propre unité vis-à-vis de tous les autres êtres spirituels. Donc, si ce n’est pas les anges entre eux qui forment des familles, c’est que chaque ange est une famille. Sinon, ce que l’on constate dans le monde des hommes seraient en contradiction avec cette nécessité que le monde des hommes fasse signe vers le monde angélique. Nous sommes signes par tout ce que nous sommes vers nos anges gardiens.

Et le voilà, le sexe des anges : chaque ange est amour, union conjugale et jaillissement de vie, masculin-féminin-enfantin. Eurêka ! Il n’y pas à masculiniser ou à féminiser les anges : ils sont, d’une manière suréminente par rapport à nous, union du masculin et de féminin dans une étreinte d’amour où se déploie la vie de l’enfantin. Une personne, un seul être, mais trois existences… Une personne, car l’unité d’une famille est telle qu’elle entre avec une seule parole dans la communauté des familles. Une parole, mais avec trois expressions : masculine, féminine et enfantine. Chacun : union conjugale et jaillissement de vie.

Cela préserve la nécessité que notre monde fasse signe vers le monde des anges ; et cela permet de voir la grande dissemblance qui existe entre ce monde et le nôtre. Le monde des anges ne peut être asexué, car le nôtre l’est en profondeur. Mais il l’est d’une manière suréminente, car chaque ange est pleinement masculin, féminin et enfantin dans un mystère d’amour. Beaucoup peinent à percevoir l’analogie qu’il y a entre notre monde et le monde d’en-haut parce qu’ils n’ont pas perçu ce petit mystère d’amour. Le monde des anges nous est devenu très insipide et a été rejeté, parce que ce petit détail nous a échappé. Et c’est tout le christianisme qui en a pâti.

Si l’on cherche dans la Révélation, l’on verra que Dieu nous mène vers la découverte de ce mystère, vers le dévoilement de ce fait qui y est contenu d’une manière implicite. Saint Jean semble affirmer le connaître, sûrement avec d’autres, mais avoir reçu l’ordre de par Dieu de le tenir secret, car cela doit être gardé pour le temps opportun (Ap 10, 4-7). C’est un secret d’amour qu’il a entendu en reposant sur le cœur de Jésus et qu’il a gardé pour produire l’étincelle qui un jour embrasera le monde dans une effusion d’amour qui scellera l’unité tant recherchée.

Et si l’on cherche avec l’intelligence, on découvrira aussi ce mystère, car nous affirmons qu’il est accessible à la raison humaine. C’est ce que nous avons cherché à esquisser ici. Cependant, c’est une vérité parmi les plus difficiles à atteindre du fait de la chute originelle. Il n’y a pas lieu de s’étonner qu’il a fallu deux mille ans de christianisme et de travail de la grâce pour que l’on puisse commencer à l’apercevoir dans ce qu’il est.

C’est un petit mystère, un petit iota, un secret d’amour et d’alliance, dont le monde n’a pas voulu, mais qui peut transformer et redonner une nouvelle jeunesse à notre civilisation. Il est important. Car, sans lui, on ne comprend plus le monde d’en-haut : celui des anges, et par voie de conséquence celui de Dieu. Car le secret de l’Alliance est la première pierre que l’on pose sur la pierre angulaire du Christ. De même que pour le Christ les bâtisseurs n’en ont pas voulu, de même pour ce petit secret. Mais Dieu ne laissera pas ce petit iota être oublié. Et l’unité du monde pourra alors se déployer à la gloire de Dieu. Car Jésus-Christ est l’Enfant-Dieu que l’on accueille dans nos vies au cœur du masculin et du féminin… Ce mystère ne remet pas en cause ce que l’Église a établi jusque là, mais il donne une nouvelle saveur et de nouvelles perspectives.

Cf. nos article : Alliances éternelles ou Mais qui sont les anges ?

2 commentaires sur “Des anges, de leur existence et de leur sexe

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