Holacratie

Cet été, jouant dans l’océan avec ma nièce, nous avons imaginé être trois mille ans dans le futur, discutant de l’histoire de monde. Nous avons retracé les grandes découvertes, les colonisations dans l’espace, les fêtes internationales, les guerres, les crises écologiques, l’ignorance que beaucoup avaient autrefois de l’existence des anges. Nous en sommes venus au régime politique actuel inventé vers l’an 2537 : le système holacratique. Et nous avons bien ri devant la naïveté de nos ancêtres qui vivaient en démocratie et se croyaient dans un système politique évolué où ils pensaient être libres, alors que le pouvoir leur était grandement accaparé. Enfin, heureusement, aujourd’hui, nous sommes en holacratie !

J’avais récupéré pour l’occasion le terme d’holacratie à un système de management d’entreprise qui avait attiré mon attention ces derniers temps. Le jeu terminé, mon ange gardien m’a donné l’intuition que ce n’était peut-être pas si idiot que cela de se servir des intuitions holacratiques pour dresser les grandes lignes d’un système politique, en y adjoignant les quelques autres réflexions et intuitions qui m’avaient habité jusque là.

Je considère depuis longtemps que ma métaphysique entend aller au-delà de celle d’Aristote en se servant des intuitions de Platon, mais sans y revenir ; que ma pensée entend dépasser celle de saint Thomas en se servant de saint Augustin et de Denys, mais sans y revenir. Non pas que je maîtrise tous les détours et les subtilités de ces auteurs géniaux. Je ne suis pas un érudit. Mais parce que je pense avoir saisi les principes clefs de leur pensée, et ce sur quoi ils entrent en contradiction. Et parce que je prétends désigner une troisième voie, celle que m’a enseigné mon ange.

Ce qui est vrai en métaphysique et en théologie doit donc aussi être vrai en politique. Il s’agit de dépasser la démocratie, en s’inspirant de l’Ancien Régime, mais sans y revenir. Ce sera donc l’holacratie, tout simplement. J’ai déjà parlé de quelques idées, par exemple dans mon article Empire. En particulier, comment, pour moi, la République doit se déployer dans le Royaume : le gouvernement selon la loi positive doit avoir comme garde fou les lois fondamentales qui correspondent à la loi naturelle et aux lois qui déterminent l’existence d’un pays d’une manière séculaire. Le Royaume fonde le pays, et la République permet de le gérer concrètement. Les deux ont une autorité dans leur domaine. En particulier, il me semble important que le pouvoir régalien appartienne au Royaume, ainsi que le devoir de lutter contre les inégalités criantes et la corruption, et contre tous ceux qui accaparent les richesses pour eux-mêmes au lieu de servir les pauvres. Il me semble donc nécessaire que l’élection des représentants du Royaume soit affranchie des problèmes inhérents aux élections habituelles : la méthode héréditaire semble être à privilégier.

Holacratie, cela désigne un gouvernement complet, entier, organique, qui considère que les personnes et les communautés s’insèrent dans des communautés de plus en plus vastes, qui ne sont pas seulement la somme des personnes ou communautés qui la composent, mais sont encore plus. Le gouvernement se répartit intelligemment à tous les échelons : c’est l’idée ancienne du gouvernement mixte, à la fois démocratique, aristocratique et monarchique qui était vu comme le meilleur régime ; et c’est aussi l’idée qu’il doit y avoir des échelons de décision à plusieurs niveaux, comme c’est davantage le cas en Suisse qu’en France. Et, en holacratie, l’on passe beaucoup de temps à discuter qui est responsable de quoi, qui a pouvoir sur quoi. On travaille à la gouvernance. Ce que l’on fait peu aujourd’hui en démocratie. L’on connaissait jusque là le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Il est important d’ajouter le pouvoir de gouvernance qui est celui de décider qui a autorité sur quoi. On en parle peu aujourd’hui, car le Parlement et les quelques élus nationaux prétendent avoir autorité sur tout.

Comme le rappelle la démocratie, le pouvoir vient du peuple. De fait, en politique, le pouvoir vient de la nature humaine que nous avons tous en partage. Et l’enseignement social chrétien nous rappelle que ce pouvoir remonte dans les échelons des représentants par subsidiarité : l’exercice du pouvoir doit rester au plus proche du peuple, et ne remonter que quand l’échelon inférieur fait défaut et pour les exigences du bien commun. Par exemple, le Royaume dont nous avons parlé plus haut ne doit pas usurper le pouvoir de la République qui a autorité sur tous ce qui ne touche pas aux lois fondamentales, aux choses immuables à l’échelle d’un pays.

Que le pouvoir vienne du peuple en politique est une différence avec le pouvoir spirituel qui vient de la nature divine et non de la nature humaine : il vient de Dieu, par ses représentants pour une part, et par sa présence en chacun de nous pour une autre part.

Pour un pays comme la France, pour que le pouvoir reste au plus proche du peuple, nous suggérerions que les divers foyers d’un même quartier ou village siègent en assemblée pour leur propre gestion, et élisent des représentants pour leur ville ou canton. Ceux-ci, avec tous les autres représentants siégeront dans une assemblée avec un pouvoir législatif et de gouvernance. Par ailleurs, des élus locaux (maires, etc) seront aussi élus pour le pouvoir exécutif.

Puis, ce schéma se reproduirait au niveau du département : il y aurait par secteur des élus pour la gestion courante qui éliraient parmi eux des représentants pour une assemblée départementale avec un pouvoir de gouvernance et un pouvoir législatif. Le pouvoir exécutif aurait aussi ses représentants : ce sont les préfets d’aujourd’hui.

Et à une autre échelle, les régions auraient des élus pour la gestion courante qui éliraient parmi eux des représentants pour siéger dans une assemblée nationale au pouvoir législatif et de gouvernance. Et il y aurait un gouvernement national exécutif comme maintenant.

Les prises de décisions peuvent se faire en référendum, par les assemblées, ou par les élus.

Ce qui est intéressant, c’est que les représentants siégeant aux assemblées législatives et de gouvernance seraient aussi gestionnaires des entités plus petites, où il y a aussi des décisions d’ordre exécutif et de gouvernance. Cela contribuera à avoir une meilleur compréhension des choses quand les lois seraient établies. Et en dehors de cela, il ne sera pas permis de cumuler les mandats.

Ce qui est aussi intéressant, c’est que la vie holacratique s’apprend d’abord proche de chez soi, à l’échelon de son quartier, puis cela remonte progressivement, d’échelon en échelon : l’éducation citoyenne s’en trouve facilité, et l’exercice du pouvoir enrichi.

La méthode holacratique demande à faire des cercles et des sous-cercles dans diverses directions. Nous avons parlé jusque là de la direction principale des communautés de vie : ville, département, région, pays. Un système holacratique doit aussi considérer les cercles et sous-cercles des différents métiers et services au sein de la société. La question se pose de savoir comment faire participer ceux-ci au gouvernement pour ce qui les concerne. Le jeu républicain demande de constituer des corporations pour les faire participer aux décisions. C’est encore une fois une question de gouvernance : qui a pouvoir sur quoi.

Voilà la vision politique qui a surgi du jeu avec ma nièce. Un beau rêve pour demain. Ou plutôt pour après-demain… Car il n’y aura pas de salut pour le monde politique français, tant que la France ne se sera pas converti, tant qu’elle ne sera pas revenu au Christ. En dehors de cela, toute espérance politique ne serait qu’un leurre.

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