Notre monde semble bientôt prendre un nouveau tournant : celui de l’arrivée des robots. Dans les entreprises, dans l’agriculture, dans le soin, dans la maison. Le monde industriel a déjà produit de nombreux automates et machines en tout genre. Certains ont beaucoup contribué à améliorer nos conditions de vie : la machine à laver, le téléphone, les engins motorisés, les outils de travail, les ordinateurs… La liste est longue. Mais là, c’est à un degré supérieur de complexification des machines que nous arrivons.
Cette irruption, même quand elle n’est pas clairement utilisée d’une manière néfaste, semble pour certains assez ambivalente : ces engins abîment notre environnement, détériorent notre santé. Ils nous font entrer dans une logique consumériste et non durable. À la longue, ils nous coupent de la présence aux choses ; ils nous empêchent d’être en harmonie avec le monde ; ils nous placent dans un monde virtuel et sans vie réelle. Ils semblent de plus en plus concentrer la puissance dans quelques mains qui peuvent faire beaucoup de mal si elles cherchent leur seul profit. Les machines, et plus encore les robots, sont en train de déshumaniser le monde. Elles nous empêchent de lever les yeux vers les réalités d’en-haut. En beaucoup de choses, ce n’est pas du résultat des activités dont nous avons besoin, mais des activités elles-même pour nous humaniser ; or, les robots nous coupent de beaucoup de nos activités. Elles vont supplanter les hommes, et selon certains elles vont même nous faire la guerre.
Même s’il ne faut pas exagérer, dans tout cela il y a du vrai. Ces techniques, même si elles ont une utilité sont en train de gêner la bonne marche du monde.
Mais certains continuent pourtant à y voir un intérêt. Elles semblent même apporter des solutions réelles à certains problèmes. La robotique permet par exemple de réduire considérablement les produits chimiques dans l’agriculture. Elle permet en médecine de réaliser des opérations incroyables pour sauver des vies. Cela est certes très ponctuel, mais cela a un intérêt réel. Il est indéniable que certains usages peuvent valoir le coup.
Comment s’y retrouver du coup ? Comment discerner au milieu de tout cela une ligne d’action ?
Nous avons déjà traité de quelques clefs de discernement sur ces sujets dans nos articles Faut-il user des techniques ? et Les trois unités. Dans la logique de ce que nous y avons détaillé, il nous apparaît que la robotique, dans certaines de ces applications, peut être une solution à court terme dans ce que l’on appelle une unité imparfaite. Il nous apparaît cependant que le monde est dans une telle imperfection à ce sujet que, sans un regain de spiritualité et de morale, nous serons bientôt dans une impasse. Il nous apparaît que seul le chemin de la Croix pourra nous guérir de ce mal par une action de Dieu. Le monde se fascine pour les robots et il oublie le monde supérieur des anges et de Dieu. Il nous apparaît donc que dans peu de temps, il faudra choisir fermement de suivre le Christ loin de ces techniques et de revenir à des choses plus simples, dans l’attente d’un temps où dans une unité du monde plus parfaite ces engins pourront s’inscrire dans une plus grande harmonie avec l’humanité. Le monde de la nature, au contraire, nous rapproche davantage de Dieu, car il a une qualité d’être plus grande. Il y a de quoi être fasciné devant sa complexité, sa diversité, sa beauté, son ingéniosité, son harmonie, sa capacité de vie. Il faudra y retourner pour y retrouver la présence de Dieu et des anges, sans pour autant négliger les techniques plus simples, et même si par la suite les robots et les autres hautes technologies pourront retrouver à nouveau leur légitimité.
Il ne faut pas avoir peur des robots, car à court terme ils peuvent avoir un intérêt. Mais il faudra savoir bientôt y renoncer. Il ne faut pas avoir peur des robots, car il existe des puissances supérieures qui nous sauveront de leur danger. Il ne faut pas avoir peur des robots, mais il faut choisir à moyen terme de vivre loin d’eux. Et il faut penser qu’à long terme, après une purification, nous saurons vivre avec eux.
C’est en tout cas le souhait que je formule, l’avenir tel que je le vois, et le chemin qui me paraît être celui de toute personne et société éclairée qui cherche vraiment le bien de l’humanité. Cela peut paraître radical, mais il n’y a pas de Terre Promise sans traversée du désert ; et c’est bien à une Pâques de l’histoire que nous sommes en train d’arriver. Il faut rendre grâce pour tous ce que nous avons fait de bon et découvert sur les possibilités de la matière au travers de ces techniques, mais il nous semble clair que nous arrivons à un point de rupture, où il faut cheminer vers une unité plus parfaite en refondant les choses plus en profondeur et autrement.
L’on pourra objecter que l’on arrivera à avoir un usage juste des techniques sans avoir à rompre avec elles, qu’il y a juste à se corriger en sortant de la logique du seul profit. Ou l’on pourra objecter au contraire qu’il faut rompre avec elles au plus tôt, sans les accepter, même à court terme, car elles abîment notre monde. Ces deux attitudes sont très louables. Mais, dans les deux cas, c’est que l’on pense encore que l’humanité s’en sortira à ce sujet par ses seules forces, sans une action directe de Dieu. Selon nous, le chemin qui se dessine devant nous pour le monde, et plus largement pour toute l’Église, est bien celle d’une Pâques : cela concerne différents sujets, mais en particulier celui qui nous intéresse ici. Il ne faut donc pas avoir peur à court terme d’user encore dans une certaine mesure de ces hautes technologies, mais il faut préparer des voies pour en sortir, et prendre au moment opportun le chemin de la sobriété comme certains l’ont déjà pris. Sur ce chemin, il faut laisser Dieu nous restaurer. Et un jour, quand le monde aura changé, ces techniques pourront reprendre leur place harmonieusement en concourant à la dynamique de vie et d’amour de notre cosmos.