Mais où va l’Église ?

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Vitrail des noces de Cana

Des débats rejaillissent fréquemment dans l’Église et mettent certains en émoi. C’est le cas notamment, à l’occasion de ce synode sur l’Amazonie, au sujet de l’accès éventuel des femmes à l’ordre diaconal et sacerdotal. D’autres confessions chrétiennes ont déjà franchi ce pas. Mais, selon la tradition catholique, le Christ a institué le sacrement de l’ordre pour les hommes ; et comme l’a dit Jean-Paul II en son temps, l’Église ne peut pas revenir là-dessus.

Cependant le monde d’aujourd’hui, épris d’égalité entre les hommes et les femmes, interroge l’Église sur la place réciproque des hommes et des femmes en son sein. Cette attention est juste, même si cela se fait parfois dans des excès et de la confusion. Le monde a cheminé sur cette question, et l’on est en droit de revisiter ce qui peut l’être. D’autant que l’Église a pu faire preuve d’un certain excès dans la place accordée aux hommes par rapport à celle des femmes, ce qui n’a pas été sans conséquences sur certaine déviation de la spiritualité. L’on peut noter à juste titre que l’Église a pu manquer de compassion et de miséricorde au cours des derniers siècles quant à ceux dont la vie était tordue ou en dehors des normes, ce qui nous apparaît comme la marque d’une trop grande absence de repères féminins.

Alors, qu’est-ce que l’Esprit dit aux Églises à ce sujet ? Quelle est la volonté du Seigneur sur la place des hommes et des femmes dans les ministères ecclésiastiques ?

Dans le livre de l’Apocalypse, il est écrit : « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme ! » (Ap 12, 1). Ce passage désigne la Vierge Marie. Il désigne aussi l’Église. Mais il peut aussi désigner dans le foisonnement de sens qu’un tel passage recèle l’irruption de quelque chose de proprement féminin dans le mystère ecclésial. Quelque chose de nouveau dans le chemin de l’Église.

Il est aussi écrit : « ‘Mais je donnerai à mes deux témoins de prophétiser pendants mille deux cent soixante jours, revêtus de sac.’ Ce sont les deux oliviers et les deux flambeaux qui se tiennent devant le Maître de la terre. » (Ap 11, 3-4). Cette symbolique des deux oliviers et des deux témoins est ancienne dans la tradition juive. Pour notre sujet, elle désigne assez clairement qu’autour du trône de Dieu, les deux génies masculin et féminin doivent tous deux servir le Seigneur à leur manière, conjointement et en étant unis.

Le génie propre du ministère ecclésial masculin est la fonction sacerdotale, celle du Christ-Prêtre. La tradition de l’Église l’a très bien compris. Se donner dans la sanctification du peuple de Dieu est une belle aventure pour l’âme masculine. Le génie propre d’un ministère ecclésial féminin serait à n’en pas douter la fonction prophétique, celle du Christ-Prophète, car selon le mot de Jean-Paul II la femme est « sentinelle de l’invisible ». L’âme féminine est faite pour donner la vie par ce sens profond de la complexité et du mystère du monde. Elle a le secret des profondeurs de l’âme humaine, et donc de la relation vivante avec Dieu.

Ce que l’Esprit dit aux Églises au travers des interrogations de notre temps, c’est qu’il souhaite que les femmes exercent leur génie propre selon un ministère ecclésiastique proprement féminin. Il ne souhaite pas ouvrir l’ordre ecclésiastique masculin, celui des Prêtres, aux femmes. Mais il souhaite l’instauration d’un ordre ecclésiastique féminin, celui des Prophètes. C’est une autre hiérarchie qui demande à être explicitée en notre temps. Des exemples de femmes qui ont pu être des signes nous montrant la voie de cette fonction prophétique féminine pourrait être Mère Teresa, Marthe Robin ou encore Chiara Lubich. Il y a toujours eu dans le cœur de Dieu des femmes qui ont exercé des ministères pour l’Église. Mais ce que l’Esprit dit à l’Église de notre temps, c’est qu’il souhaite que cela soit rendu visible dans la structure même de l’Église.

Dieu souhaite que demeure pour les hommes les diacres, les prêtres et les évêques dans une hiérarchie qui s’achève autour du Saint-Père. Mais il souhaite aussi que soient instituées des diaconesses, des prophétesses et des représentantes pleines et entières de cet Ordre des Prophètes qui trouvent une représentation plus particulière dans sept femmes, avec une présidence alternée. Car Dieu veut que les « sept esprits de Dieu en mission par toute la terre » (Ap 5, 6) soit représentée.

Ce sera une belle aventure pour l’Église du troisième millénaire que de voir émerger cet Ordre des Prophètes, de voir comment il va s’organiser avec celui des Prêtres, pour que le gouvernement de l’Église soit conjoint et partagé. Chaque église de Dieu, chaque diocèse, chaque paroisse mérite d’être sous la protection du Christ-Prêtre et du Christ-Prophète dans des représentants venus de ces deux ordres masculins et féminins. Cela ne sera pas donné d’un seul coup, mais cela se construira avec les siècles. Dans les plans de Dieu, il en a toujours été ainsi.

L’on peut s’étonner que quelque chose d’aussi nouveau puisse émerger. Pourtant notre Seigneur a dit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité toute entière » (Jn 16, 13). Il est dit aussi dans le livre de l’Apocalypse qu’il y a des secrets tenus cachés jusqu’au moment favorable (Ap 10, 4). Il faut aussi relire la deuxième lettre de Jean qui ne dit pas autre chose : il est des choses que l’Apôtre, qui semblait être au courant avec quelques uns, n’a pas voulu écrire (2 Jn 1, 12). Et l’auteur sacré nous avertit que rien de ce qui est écrit dans l’Écriture, et donc même pas cette allusion à un secret, ne peut être ôté (Ap 22, 19).

Ce que l’Église de notre temps a besoin, c’est de l’esprit de prophétie. Ô Église de Dieu, tu es noire et pourtant belle. De nombreux péchés t’ont défigurée, mais le Seigneur ton Dieu et ton Époux, te veut sainte et irréprochable ; Il veut te restaurer dans ta beauté et ton amour. Il vient en ce temps du troisième millénaire se constituer une Épouse pleine de jeunesse et de charme pour prendre possession du monde comme d’un jardin florissant et bien irrigué.

L’Ordre des Prophètes, comme ordre ecclésiastique féminin, fait partie de ce projet de Dieu pour son humanité. Comme tout ordre, il n’est pas là pour uniformiser, mais pour marquer la diversité, car il porte une particularité, qui dans la multitude des particularités, contribue à l’harmonie du monde. L’Ordre des Prophètes doit donc trouver sa place vis-à-vis de l’Ordre des Prêtres, sans confusion et sans mélange, sans division et sans séparation, pour être un signe prophétique de l’unité du genre humain et de l’union du Christ et de l’Église. Il sera prophétique, car il montrera l’égale dignité des hommes et des femmes, mais dans une diversité sans confusion. Il sera prophétique, car il sera un signe particulier de cette Église Épouse du Christ. Et il marquera combien Dieu est agissant au cœur de l’humanité. Ce sera le Christ prophétisant sur ce monde pour le mener vers son Royaume.

Mais est-ce un sacrement de l’ordre qui sera conféré au membre cet Ordre ? Et puis tout d’abord, peut-on ainsi faire surgir un ordre que le Christ n’aurait pas instauré ? En fait, il faut voir cet Ordre dans le prolongement de l’Ordre masculin, comme jaillissant de lui, car Ève a été conçue avec la côte d’Adam (Gn 2, 21). Il est dans l’intention divine que cet Ordre pour les filles d’Ève jaillisse de celui pour les fils d’Adam. Retentit encore à nos oreilles cette parole : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie. » (Gn 2, 18). Il n’est pas bon que l’homme soit seul à gouverner l’Église, faisons-lui un ordre ecclésiastique féminin pour mener cette tâche avec lui. Ensuite, vu qu’il s’agit d’un ministère ecclésial, il s’agit bien d’être le signe sacré du Christ au sein de l’humanité, ici selon cette vocation propre des prophétesses, ce qui nécessite bien un sacrement. Tout ministre ordonné est un signe particulier, réel et efficace du Christ agissant au cœur de la communauté selon sa grâce d’ordination : les prêtres sont celui du Christ-Prêtre agissant, les prophétesses seront celui du Christ-Prophète. L’Église ne peut ordonner des femmes pour l’ordre ecclésiastique masculin, mais elle le peut pour l’ordre ecclésiastique féminin.

Ce qui est en jeu ici, c’est que les femmes fassent de l’Église cette maison de Dieu belle et accueillante pour que chacun puisse y rencontrer notre Seigneur et soit renouvelé autour de Lui. « Amour et vérité se rencontrent. Justice et paix s’embrassent. La vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. » (Ps 84, 11-12). Les femmes portent en elles un plus grand attrait à la compassion, à l’enfantement des âmes et à donner une nourriture appropriée. Il ne s’agirait pas pour elles d’administrer les sacrements, ce qui est le propre de l’ordre ecclésiastique masculin. Mais il s’agirait pour elles d’être le sacrement de l’enfantement des âmes à la vie divine. Sacrement de l’Église. Sacrement du Christ. Elles seraient le témoin que la grâce sacramentelle que nous avons reçue à notre baptême s’inscrit dans le temps et la durée, qu’elle demeure, qu’elle porte du fruit tout au long de la vie dans une croissance progressive pour nous enfanter à la vie divine. Elles seraient prophètes du Royaume qui advient dans les âmes. Pleines de compassion et d’intercession, elles seraient comme Marie à Cana. Et du fait de leur dimension prophétique, la discipline du célibat pour cet Ordre nous apparaît devoir être la même que celui pour l’Ordre masculin.

Remarquons pour finir que l’ordre des Prêtres marque la fonction sacerdotale du Christ, et que l’ordre des Prophètes marque la fonction prophétique du Christ. Mais qu’en est-il de la fonction royale ? Cette fonction n’a pas à être représentée dans un ordre ecclésiastique, car l’institution de l’Église n’a pas pour mission de gouverner le monde. Cela appartient aux laïcs, et au Christ. La fonction royale, comme troisième terme entre l’Ordre des Prêtres et l’Ordre des Prophètes, est donc un signe du gouvernement du Christ qui vient sceller l’unité de son Église. Cette fonction royale doit cependant, selon ce qui nous semble être la Volonté de Dieu, trouver une réalisation plus particulière dans un Ordre qui ne sera pas ecclésiastique, et dont nous avons parlé dans notre article intitulé : L’anneau du pêcheur. Cet Ordre sera bientôt connu sous le nom d’Ordre de la Croix. Et c’est ainsi que se déploiera l’unité du monde en ce troisième millénaire autour du Christ Prêtre, Prophète et Roi.

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