Demain, 6 octobre, c’est la fête de saint Bruno (~1030 – 1101), qui a fondé l’ordre des chartreux dans le massif du même nom près de Grenoble. Cet ordre est celui qui, silencieusement, caché de tous, a très certainement porté le plus de fruits pour l’Église, au moins du côté latin, au cours du deuxième millénaire. Cet ordre a la vocation, à la suite de saint Jean-Baptiste, à se tenir au désert près de la Croix du Christ, tel l’épouse près de l’époux, pour permettre à la vie de Dieu de pénétrer ce monde, de l’irriguer, pour faire que la puissance de la Résurrection l’envahisse, pour faire que l’amour soit vibrant au cœur de l’humanité, et pour que le mystère de la communion et de l’unité, venant de l’Alliance avec Dieu, irrigue toutes les dimensions de ce monde.
De communion et d’unité, l’Église et le monde en ont bien besoin, aujourd’hui comme hier.
Demain, s’ouvre le synode sur l’Amazonie qui fait déjà beaucoup de bruit, et qui inquiète. Certains parlent d’un schisme latent dans l’Église prêt à éclater bientôt au grand jour. L’Esprit-Saint est à l’œuvre, et il ne faut donc pas s’inquiéter outre mesure car la victoire de Dieu est certaine. Mais il faut prier pour l’unité et la communion de l’Église, et demander à Dieu de guider notre saint Père, et tous les successeurs des apôtres, pour qu’ils sachent diriger la barque de Pierre vers son terme dans l’amour et la vérité. Il faut prier pour que, dans un vrai renouveau, l’Église trouve le chemin d’annoncer en ce temps le Christ dans un amour renouvelé, qui soit rendu visible dans la charité qui animent tous les disciples du Christ les uns envers les autres autour de Dieu.
Demain, c’est aussi l’anniversaire du début de la guerre du Kippour qui prend un accent particulier en ce temps où les tensions sont grandes au Moyen-Orient et où chacun cherche à montrer sa puissance. Sans dramatiser, l’on perçoit que l’unité du monde est bien menacée, aujourd’hui encore. De nombreuses crises se font sentir à travers le monde, et inquiètent également. À cela s’ajoute la menace des crises écologiques qui peuvent noircir l’horizon du monde. Il faut prier encore pour que, dans l’unité et l’amour, dans la concorde et la paix, notre monde chemine vers la civilisation de l’amour où tous et chacun puissent trouver leur place dans un cosmos rayonnant de la vie que Dieu a voulu pour lui.
Demain, c’est aussi le jour de la manifestation Marchons Enfants qui cherche à défendre ce trésor menacé dont beaucoup de nous ont été héritiés qui consiste à être né d’une étreinte amoureuse entre un homme et une femme, et à avoir grandi sous le regard bienveillant et conjoint de ces deux repères masculin et féminin. La machine de la déconstruction de ce qui forge une humanité épanouie continue sa route et laisse présager un avenir encore plus désenchanté que ce que nous vivons actuellement. Ce désenchantement, qui imprègne toutes les dimensions de notre société, se laisse aussi entendre dans le mouvement des Gilets Jaunes qui arrive bientôt à une année de mobilisation et qui a permis à beaucoup de sortir de la culture de l’indifférence et de l’isolement qui s’installe de plus en plus chez nous d’une manière dramatique. Il faut savoir que, selon un rapport de l’INSEE paru le 3 septembre, un français sur dix a au plus un contact physique avec un ami ou un proche par mois, et environ un sur trente en a un au plus par mois tout moyen de communication confondu. L’on perçoit qu’un pays comme la France se désagrège progressivement, que l’unité et la communion sont en train se se perdre, et que l’on a besoin d’un renouveau. L’arrivée de nombreuses personnes de cultures et de religions différentes par l’immigration, tout en étant un défi à relever pour que l’on ouvre nos cœurs aux misères du monde, ne peut pas ne pas aussi nous inquiéter et être un sujet de plus nous conduisant à prier pour que l’unité et l’amour l’emportent sur tous sentiments de haine et de discorde, et pour que la France ne sombre pas dans le chaos.
Qui pourrait nous sauver de tous ces dangers, de toutes ces menaces, de toutes ces craintes ? Le Seigneur bien sûr. « Notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. » (Ps 124, 8). Mais plus concrètement, par où passera l’action du Seigneur pour nous éviter la dispersion et la dislocation ?
Dans son roman L’anneau du pêcheur, Jean Raspail nous présente une lignée de papes cachées qui aurait survécu des anciennes divisions de la papauté en plusieurs têtes, une à Rome et une à Avignon. Une lignée qui, dans la pauvreté des moyens, porterait la sainteté de l’Église, loin du faste que peut avoir la curie romaine. Bien sûr, tout cela est de la fiction. Mais l’on sent à travers cette histoire l’espérance que c’est la sainteté qui est la vraie hiérarchie de l’Église, et qu’il est des personnes qui portent d’une manière cachée les renouveaux de la spiritualité chrétienne. Nous avons la chance depuis le vingtième siècle que la papauté soit représentée par d’authentiques figures de sainteté, mais l’on sent bien que le vrai mystère de l’Église se joue ailleurs qu’à la curie romaine. L’on sent bien qu’être pauvre avec les pauvres comme nous y invite le pape François réside d’abord dans le fait de vivre et d’habiter avec le commun des mortels, de participer à son labeur, de marcher sur ses sentiers. Il y a une hiérarchie de sainteté qui ne finit pas à Rome, ni même d’ailleurs dans les monastères, mais qui finit au milieu du peuple de Dieu.
Beaucoup en France espèrent, encore aujourd’hui et parfois seulement inconsciemment, le retour du roi. Ils espèrent un nouveau saint Louis qui viendrait rétablir notre pays, puis le monde, dans le droit chemin. Ils espèrent cet homme providentiel qui viendrait mettre fin à leurs problèmes. Ils espèrent le renouveau de la politique. Le Ciel a parlé de nombreuses fois et de multiples manières pour sembler confirmer une telle espérance. Mais cela ressemble fortement à la même espérance du peuple juif avant l’arrivée de Jésus : ils attendent un messie politique, là où Dieu a prévu un messie d’abord spirituel venu témoigner de l’amour de la Croix.
Car il y a bien pour la France une certaine vocation. Chaque pays a son mystère, chaque pays a sa vocation. La France est ce pays qui porte le mystère de le communion qui doit conduire à l’unité du monde. Le mystère de la communion, c’est le mystère de saint Michel, mais c’est aussi celui du plus grand des séraphins qui s’appelait Lucifer, et qui a renié Dieu en devenant le Diviseur. La France partage le mystère de saint Michel qui est celui qu’aurait dû être celui de Lucifer. La France est porteuse de l’anneau, pour le meilleur et pour le pire. Elle le porte pour garantir et apporter l’unité du monde dans le mystère de la communion et de l’amour. Mais elle peut aussi s’en servir pour répandre la haine et la division pour sa propre gloire à la place de celle de Dieu. Elle peut être Frodon du Seigneur des anneaux de Tolkien, mais elle peut être aussi Gollum ou Sauron.
Celui qui n’a pas compris que le mystère de la France était de porter l’anneau de la communion et de l’unité, celui qui n’a pas compris qu’elle devait vivre ce combat entre la quête de sa propre gloire en pervertissant le monde et le service de Dieu pour le salut du monde, n’a rien compris à la France. Chaque pays a son mystère : il y a des pays qui portent davantage le mystère de la sagesse, de l’écologie, de l’amour, de la joie, de la vie, de la beauté, du rire, de la poésie, de l’harmonie, de la foi, de l’amitié, de la tendresse, de l’ingéniosité, du service et de bien d’autres choses encore. Ces mystères correspondent aux différents anges de la première hiérarchie qui sont réunis autour du trône de Dieu avec une succession de présidence. Il est des anges qui se relayent aux diverses présidences de la hiérarchie céleste, et il en est un dans chaque chœur pour présider toute la liturgie. L’ange de la communion est le plus grand des séraphins, l’ange de l’unité est le plus grand des chérubins, et ce sont eux qui sont appelés à gouverner plus particulièrement dans ce temps que nous vivons. C’est pour cela que la France est fille aînée de l’Église. C’est pour cela qu’elle a reçu une protection spéciale de la Vierge-Marie et de saint Joseph et qu’elle est le pays du Sacré-Cœur de Jésus.
La petite Thérèse de l’Enfant-Jésus disait de son papa qu’il était le roi de France. Elle l’appelait son roi chéri. C’était son amour d’enfant qui parlait. Mais en fait, elle avait raison. Car Dieu se destine à chaque génération un ou plusieurs représentants de l’ange de la France pour porter particulièrement le mystère de la communion et de l’unité. Louis et Zélie Martin en ce sens étaient bien roi et reine de France. Ils n’avaient pas la prérogative de la chartreuse et des ordres monastiques. Ils n’avaient pas la posture du ministère ecclésial. Ils n’avaient pas le prestige du gouvernement temporel. Mais ils ont porté une mission pour Dieu qui a permis au travers de la petite Thérèse de renouveler profondément le christianisme de leur temps.
S’il faut attendre un roi et une reine de France pour notre temps, alors ce sera un roi et une reine comme l’étaient Louis et Zélie Martin. Il s’agirait de personnes qui seraient les porteurs en ce temps du mystère de la communion et de l’unité en tant que représentant de l’ange présidant la liturgie céleste. Cela les placerait devant Dieu au-delà de toutes les autres vocations, tout en vivant avec le commun des mortels. Ils reprendraient ce que nous aimons dans la figure de saint Bruno, du pape de Jean Raspail ou de saint Louis, mais sans fuir loin du monde, sans porter de charge ecclésiale, sans avoir de pouvoir temporel. Vivant avec tous, cheminant avec tous, ils porteraient l’avènement d’une Église de communion, d’un monde de communion. Il ne s’agirait pas finalement de quelque chose de nouveau, mais de la manifestation de quelque chose qui existait dès l’origine sans que nous le sachions, car les anges ont toujours eu des représentants et en auront toujours.
Le mystère de la France est de nous faire entrer dans cette hiérarchie de la sainteté qui prévaut sur toutes les autres hiérarchies, et qui amène à remettre chacun à sa place. Cela pour que le pape ne se prenne pas pour César, ni César pour le pape, car l’unité du monde ne se fait ni dans l’un, ni dans l’autre, mais dans ces petits saints que Dieu a choisi.
Le mystère de la France est d’introduire le monde dans la spiritualité de cette sainteté des petits qui nous concerne finalement tous. Il est une multitude d’anges, et il est donc une multitude de représentants en ce monde de ces anges. De plus, la rotation des fonctions dans la liturgie céleste nous amène tous en ce monde ou dans l’autre aux différents échelons hiérarchiques. Il nous faut entrer dans le service de Dieu pour que ses nombreuses perfections d’amour pénètrent ce monde. Chaque pays, chaque région et chaque personne porte un mystère particulier de l’amour, et certains sont aidés pour cela par des anges des chœurs supérieurs, même s’ils l’ignorent. Ces mystères ne s’excluent pas, car nous les vivons tous même si nous avons chacun une dominante. Il nous faut, à la suite de Louis et Zélie Martin et de la petite Thérèse, vivre simplement de ces perfections de l’amour, pour que, d’une manière que nous ignorons, elles puissent se répandre dans le monde et dans l’Église pour renouveler toute chose. Le vrai enjeu du monde ne se situe pas dans les évènements tels que ceux dont nous avons parlé au début de cet article, mais dans notre manière à chacun d’entrer dans cette sainteté des petits auprès de Jésus.
Si Dieu veut un jour nous manifester un petit roi et une petite reine de France, si Dieu veut nous manifester des petits rois et des petites reines, à la manière de ce qui est dit ici, ce ne sera pas par la sagesse humaine, ni par des discours, mais par la puissance de l’Esprit-Saint, par la sagesse de la Croix et pour la manifestation du visage de bonté du Père. Et ce sera pour que chacun comprenne qu’il est appelé à vivre lui aussi en enfant de Dieu dans un monde où tous sont participants de ce même mystère d’Amour qui nous est promis dans le Royaume des Cieux.
Dieu a un projet d’amour pour ce monde. Dieu a un projet d’amour pour chaque personne. Dieu a un projet d’amour pour chaque pays. Dieu a un projet d’amour pour la France. Prions pour que ce projet se réalise. Et prions pour que l’unité de la famille, de l’Église et du monde soit manifestée dans un renouveau de communion et d’amour autour du Dieu trois fois saint.
3 commentaires sur “L’anneau du pêcheur”